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E. Chartier.Éléments de la représentation par Hamelin.

sant et pesant après coup les motifs, croient pouvoir accabler la pensée sous-le poids de la nécessité ne devraient point oublier que l’existence est la synthèse de la nécessité et de la contingence, synthèse qui définit, justement, la Liberté. Vous pesez des motifs, vous construisez un système agissant sous les idées de cause et de fin : mais vous oubliez qu’un tel système n’est encore qu’un possible, et que ce qui n’est que possible ne peut peser à la manière de ce qui existe. C’est justement parce que la synthèse de la cause et de la fin ne donne pas un être qui existe par soi, c’est justement pour cela qu’il faut poser la Liberté. Une action motivée réalise toute la marche dialectique qui vient d’être exposée ; la même raison, qui fait que même un système de causes et de fins n’est pas encore un être, fait qu’aucun motif n’est déterminant ; le motif ne devient réel que dans l’action motivée. « Le motif n’est ni cause ni fin, ou plutôt il est l’un et l’autre avec quelque chose de plus. Il est la cause et la fin ramenées à l’unité dans la notion de système agissant, mais en même temps revêtues de l’aspect conscient et rapportées à un sujet ; et, dans cette relation, la nécessité expire ; ce qui restait de fatal dans la cause et même dans la fin est surmonté[1] ».

En somme, dire qu’un être est libre, c’est dire quoi ? c’est dire que, des innombrables possibles, quelques-uns arrivent à la réalité ; ce passage du possible à l’être, c’est la liberté telle qu’elle s’offre à l’observation. Si d’un autre côté le passage du possible à l’être n’est pas concevable sans quelque arbitraire, et si, avec cela, la dialectique exige, pour que le déterminisme soit pensé, la pensée de son opposé la contingence ; si, enfin la synthèse des deux nous donne la définition de la Liberté telle justement que nous la sentions, faut avouer que voilà un imposant concours de preuves. C’est pourquoi on peut penser que ces vues profondes ajoutent quelque chose au patrimoine déjà riche légué par les penseurs. On oserait dire que pour la première fois la Liberté entre dans la philosophie par la grande porte, sans coup d’état, avec tous les honneurs dus au souverain.

Peut-être le lecteur soupçonne-t-il, d’après ce tracé trop simplifié, de quels riches commentaires l’auteur a pu l’éclairer, et comment il a ainsi déterminé la part du fait dans toute existence. « Exister, c’est être voulu ». Il n’y a point d’autre élément empirique

  1. P. 384.