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Nous n’avons ni à l’imaginer ni à l’inventer. La morale suppose donc une induction régulière qui aura pour objet de déterminer la nature du contenu des règles qui constituent, pour chaque société, sa morale.

Ces deux conditions, sous leur forme abstraite, semblent s’exclure l’une l’autre ; et M. Belot s’attache à faire ressortir ce conflit entre la Raison et le Fait. Mais, entre les deux, il refuse de choisir, et montre, par l’exemple, comment il faut les unir dans la recherche.

Ces quelques mots ne peuvent donner une idée de cette important ouvrage, auquel la Revue consacrera une étude critique spéciale. Signalons seulement ce qu’il y a de sincère, de pénétrant, et de direct, dans ces études de Morale positive, qui justifient bien leur titre. Ici vous ne trouverez ni ses argumentations en l’air, ni un programme trop vaste, ni des promesses trop vagues : M. Belot marchait depuis longtemps au combat, pendant que d’autres, comme dit Bacon, sonnaient de la trompette.

Psychologie et Éducation. — I : Leçons de Psychologie ; II : Applications à l’Éducation, par F. Alengry. 2 vol. in-8 de xii-368 et ix-300 p., Paris, librairie d’éducation nationale, 1906. — Dans la pensée de leur auteur, ces deux volumes sont avant tout des « livres d’étude », des manuels, exclusivement destinés aux élèves des Écoles normales, aux futurs instituteurs et institutrices, « spécialement rédigés à leur intention » et comprenant des résumés, des sujets de devoirs, des lectures commentées, un plan de bibliothèque philosophique.

Mais, bien qu’ils ne s’adressent pas directement aux philosophes et aux psychologues, ces livres méritent à beaucoup d’égards de retenir notre attention.

Sans doute il n’y faut pas chercher des remarques bien neuves et bien originales. Sans doute on y retrouve à maintes reprises les défauts qui caractérisent ordinairement les manuels de ce genre. M. Alengry s’est cru obligé de suivre rigoureusement, littéralement, les indications du programme : adoptant toutes ses divisions, il s’est résigné souvent à nous présenter des banalités traditionnelles et sans grand intérêt (V. en particulier toute la théorie de la Sensibilité). Parfois même, pour continuer à serrer de près le programme, M. Alengry a consenti à perdre tout point de contact avec la réalité (insuffisance d’exemples concrets et d’observations expérimentales : tendance à rester dans un formalisme abstrait et idéologique, à simplifier outre mesure l’étude psychologique de la conscience, à la considérer d’un point de vue statique et atomistique, comme un ensemble de parties extérieures les unes aux autres).

De plus, M. Alengry s’est donné surtout pour but de « rechercher les règles propres à développer et à façonner un esprit, un cœur, une volonté » : sa psychologie tend à être essentiellement pédagogique. Cette préoccupation constante des applications pratiques a l’avantage de ne pas séparer l’individu du milieu social où il doit vivre et produire, et il est certain qu’en écartant résolument tous les systèmes et toutes les controverses doctrinales, M. Alengry a allégé beaucoup son exposé. Mais aussi, en s’abstenant volontairement de toute vue systématique sur la conscience ou sur la volonté, il a donné à son livre un aspect un peu fragmentaire et superficiel qui le fait ressembler parfois à une collection de conseils et de recettes pratiques, en général vagues et formelles, auxquelles manque la base solide d’une morale précise et positive.

Ces réserves faites, il faut louer comme il le mérite, le travail de M. Alengry, et lui savoir gré de ses efforts consciencieux pour exposer, sous une forme élémentaire, succincte et pourtant très vivante, les résultats les plus essentiels et les plus suggestifs de la science psychologique. À ce point de vue, on peut laisser de côté le volume de Pédagogie, qui, en dehors de quelques études curieuses de Psychologie infantile (sur les jeux des enfants en particulier), ne renferme rien de bien saillant. Au contraire, le volume de Psychologie contient un certain nombre de chapitres fort intéressants sur l’intelligence. On y trouve des indications très exactes et très profondes sur les principales opérations de l’esprit (association des idées, p. 175 sqq.), et, au lieu de la description classique de l’entendement, un tableau très remarquable de l’activité intellectuelle s’efforçant de dominer, de comprendre et de construire l’univers. De ce tableau se dégage une apologie de l’esprit scientifique, esprit de libre recherche et de critique ; et l’affirmation de la valeur de la Science, de son caractère désintéressé et émancipateur, affirmation qui contraste heureusement avec le Pragmatisme contemporain. Il s’en dégage aussi une conception précise de la Raison, un rationalisme expérimental à la manière kantienne, qui voit dans la Raison la nécessité mentale de « ramener à l’unité de la conscience une multiplicité de phé-