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nomènes », « de mettre de l’ordre en toutes choses, pensée, nature, science, conduite » ; rationalisme hardi et vraiment moderne qui s’oppose à la fois à l’empirisme et à l’ancien dogmatisme par une théorie dynamiste et relativiste de la vérité.

Tous ces passages, relatifs à la théorie de la connaissance (auxquels il faut joindre aussi un excellent chapitre sur la liberté de la volonté), méritaient d’être signalés, car ils accroissent singulièrement la valeur et la partie philosophique de ces leçons de Psychologie, et en rendent la lecture très utile et très profitable.

Malgré leurs lacunes nombreuses et leurs imperfections, ces livres simples, sans prétentions, facilement assimilables, forment donc, à côté de tant de manuels aux allures lourdes, pédantesques et dogmatiques, un ensemble clair et satisfaisant, ne visant pas à être complet, mais plutôt à « se faire compléter », nous proposant un idéal très élevé de Raison et de Solidarité, conforme enfin aux aspirations généreuses de l’auteur et susceptible de « servir efficacement la cause de la Vérité, de la Philosophie et de la Démocratie ».

Causeries psychologiques (deuxième série), par van Biervliet. 1 vol. in-8 de 165 p., Paris, Alcan, 1906. — « Comme les précédentes, ces causeries ne s’adressent pas aux psychologues expérimentateurs, mais au grand public ; à tous ceux que les questions de psychologie, et celles notamment qui sont connexes à la pédagogie, intéressent de quelque façon ». Elles portent sur l’évolution de la psychologie au XIXe siècle, le sens musculaire, l’éducation de la mémoire à l’école, la mesure de l’intelligence ; et fournissent sur chacun de ces sujets un exposé bref, clair et amplement informé, du point de vue de la psychologie expérimentale.

Mysticisme et Folie, par M. le docteur A. Marie. 1 vol. in-8 de 319 p., Paris, Giard, 1907. — Il y a deux parties dans ce livre. La première (Généralités sur l’origine des conceptions religieuses et mystiques) est confuse ; l’auteur a fait un effort sérieux de documentation, mais on le sent très insuffisamment armé pour la solution d’un problème aussi difficile et aussi complexe. La deuxième (Généralités sur les psychoses mystiques et religieuses) renferme des études et des documents intéressants sur les délires religieux dépressifs ; les psychoses religieuses progressives évoluant vers la théomanie ; les démences à forme mystique. En somme il y a dans ce livre l’étude sérieuse, faite par un aliéniste, des faits positifs, et une étude d’ensemble qui est très loin d’avoir la même valeur.

Religion. Critique et Philosophie positive chez Pierre Bayle, par Jean Delvolvé. 1 vol. in-8 de 445 p., Alcan, 1906. — Le livre de M. Delvolvé est une excellente étude, conçue suivant une méthode critique rigoureuse, où la richesse et la précision du détail ne nuisent pas à l’unité de l’ensemble. M. Delvolvé, en effet, ne se contente pas d’analyser les idées de Bayle en relation avec sa vie, son temps et les philosophies antérieures ; il en montre l’unité, il en fait ressortir la portée philosophique ; il les met en rapport avec le temps présent. Nul doute, par exemple, que Bayle n’ait fourni à M. Delvolvé quelques-unes des inspirations essentielles de son livre sur l’organisation positive de la conscience morale, dont il a été rendu compte ici même.

Deux parties dans cette étude : Bayle avant le Dictionnaire, Bayle dans le Dictionnaire. Chacune de ces deux parties se divise elle-même en plusieurs sections. D’abord la période de formation de la pensée de Bayle (1647-1681) : éducation, études, premiers rapports avec Jurieu à Sedan, correspondance, premiers écrits ; les thèses philosophiques de 1675, les Remarques sur les cogitationes Nationales de Deo, animo et malo de Poiret (1679), la Dissertation sur l’Essence des corps de 1680. Bayle y apparaît comme un disciple de Descartes, mais comme un disciple indépendant. Il soutient le principe de la physique cartésienne, la définition du corps par l’étendue, mais ne croit pas que cette définition nous fasse connaître l’être même, la substance corporelle. En la réduisant à une valeur purement phénoménale, il croit ouvrir les voies à un rapprochement des partis religieux divisés sur la question de la transsubstantiation. Sa philosophie est déjà une philosophie critique, ennemie de tout dogmatisme ; son action s’affirme comme supérieure à tous les partis. « Il n’a rien du rhéteur brillant et superficiel que ses ennemis voulaient voir en lui ; mais tout le long de sa vie, à travers les occasions les plus diverses, son esprit chemine dans le sillon qu’il se trace, qu’il approfondit et prolonge sans perdre jamais la direction qui est la sienne propre » (p. 34).

Forcé de s’exiler, Bayle se retire en Hollande. Il y publie les Pensées diverses sur la Comète (1681), la Critique générale de l’Histoire du Calvinisme de Maimbourg (1682), les Nouvelles lettres critiques (1685), les Nouvelles de la République des lettres (1684-87). Ce que c’est que la France catholique sous le règne de Louis le Grand (1685),