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nique ne peut expliquer la tendance, le penchant dont le progrès coïncide avec la dégradation de la sensation et de l’effort. Peut-être encore réussirait-on jusqu’à un certain point à expliquer, comme on a cherché à le faire[1], par le progrès de l’attention, de la volonté, de l’intelligence, le progrès de l’aisance et de la sûreté des mouvements, et la disparition de la sensation. Mais si la sensation disparaît à la longue parce que l’attention s’en lasse et se détourne ailleurs, d’où vient que la sensibilité demande de plus en plus cette sensation que la volonté abandonne ? Si le mouvement devient plus prompt et plus aisé, parce que l’intelligence en connaît mieux toutes les parties, et que la volonté combine l’action avec plus d’assurance et de précision, d’où vient qu’avec le progrès de la facilité du mouvement coïncide la décroissance de la volonté et de la conscience ?

Les théories physiques et les théories rationalistes sont ici également en défaut. La loi de l’habitude ne s’explique que par le développement d’une Spontanéité passive et active tout à la fois, et également différente de la Fatalité mécanique, et de la Liberté réflexive.

III. Cependant, tout en devenant une habitude, et en sortant de la sphère de la volonté et de la réflexion, le mouvement ne sort pas de l’intelligence. Il ne devient pas l’effet mécanique d’une impulsion extérieure, mais l’effet d’un penchant qui succède au vouloir. Ce penchant se forme par degrés, et aussi loin que la conscience le peut suivre, elle y reconnaît toujours une tendance à la fin que la volonté se proposait. Or, toute tendance à une fin implique l’intelligence.

Mais dans la réflexion et la volonté, la fin que se propose l’intelligence est un objet qu’elle s’oppose, comme le but plus ou moins éloigné du mouvement. Dans le progrès de l’habitude, à mesure qu’à la volonté succède le penchant, il approche toujours davantage de l’acte à la réalisation duquel il aspire, il en revêt de plus en plus la forme. La durée du mouvement change peu à peu la puissance, la virtualité en tendance, et peu à peu la tendance se change en l’action. L’intervalle que l’entendement se représentait entre le mouvement et son but diminue donc peu à peu ; la distinction s’efface ; la

  1. Voir Bonnet, Ess. de psychol. (Œuvres, VIII), 829. Dug. Stewart, Philos. de l’espr. hum., p. 175.