Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/664

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légitimement acquis. Tout au contraire, dans le communisme, c’est la consommation qui est commune, et c’est la production qui reste privée. Dans l’Utopie, chacun travaille de son côté, comme il l’entend, et est simplement tenu de ne pas rester oisif. Il cultive son jardin, s’occupe de son métier, tout comme il ferait dans la société la plus individualiste. Il n’y a pas de règle commune qui détermine les rapports des différents travailleurs entre eux, la façon dont toutes ces activités diverses doivent concourir en vue de fins collectives. Comme chacun fait la même chose, ou à peu près, il n’y a pas de coopération à réglementer. Seulement, ce que chacun a produit ne lui appartient pas. Il ne peut pas en disposer à volonté. Il faut qu’il l’apporte à la communauté, et il n’en use que quand elle-même en use collectivement. Entre ces deux sortes d’arrangements sociaux, il y a donc toute la distance qui sépare l’organisation de certaines colonies de polypes et celle des animaux supérieurs. Dans la première, chacun des individus associés chasse pour son compte, à titre privé ; mais ce qu’il attrape est versé dans un estomac commun, et il ne peut avoir sa part de la richesse commune, c’est-à-dire il ne peut manger que si toute la société mange en même temps. Au contraire, chez les vertébrés, chaque organe est obligé, dans son fonctionnement, de se conformer à des règles qui sont destinées à le mettre en harmonie avec les autres ; c’est le système nerveux qui assure cet accord. Mais chaque organe, et dans chaque organe chaque tissu, et dans chaque tissu chaque cellule, se nourrissent à part, librement, sans être pour cela dépendants des autres. Même chacune des grandes parties de l’organisme a sa nourriture spéciale. L’écart n’est pas moins considérable entre les deux conceptions sociales qu’on a si fréquemment rapprochées.

TROISIÈME LEÇON

Pour pouvoir faire l’histoire du socialisme, il fallait d’abord déterminer ce que nous désignions par ce mot. Nous en avons donc donné une définition qui, en exprimant les caractères extérieurs communs à toutes les doctrines que nous convenions d’appeler ainsi, nous permît de les reconnaître partout où nous les rencontrerions. Cela fait, il n’y avait plus qu’à rechercher à quelle époque la chose ainsi définie commence à apparaître dans l’histoire et à en suivre le développement. Nous nous sommes alors