Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/665

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trouvés en présence d’une confusion qui, quand elle est commise, a pour effet de reculer les origines du socialisme jusqu’aux origines mêmes du développement historique et d’en faire un système à peu près aussi vieux que l’humanité. Si, en effet, comme on l’a dit, le communisme ancien n’est qu’une forme ou plus générale ou plus particulière du socialisme, pour comprendre ce dernier, pour pouvoir en retracer l’évolution complète, il nous faudrait remonter jusqu’à Platon et même, au delà de Platon, jusqu’aux doctrines pythagoriciennes, jusqu’aux pratiques communistes des sociétés inférieures qui n’en seraient que l’application. Mais nous avons vu que, en réalité, bien loin que ces deux sortes de doctrines puissent rentrer dans une même définition, elles s’opposaient l’une à l’autre par des caractères essentiels. Tandis que le communisme consiste dans une excommunication des fonctions économiques, le socialisme, au contraire, tend à les intégrer plus ou moins étroitement dans la communauté, et c’est par cette tendance qu’il se définit. Pour l’un, elles ne sauraient être reléguées assez loin des organes essentiels de la vie publique ; pour l’autre, elles en devraient être le centre de gravité. Pour le premier, la tâche de l’État est spécifique, essentiellement morale, et il ne peut s’en acquitter que s’il est soustrait aux influences économiques ; pour le second, il doit avant tout servir de trait d’union entre les différentes relations industrielles et commerciales, dont il serait comme le sensorium commune.

Mais ce n’est pas seulement par les conclusions auxquelles elles arrivent que ces deux écoles s’opposent l’une à l’autre, c’est aussi par leurs points de départ. Quoique, au début de ce cours, nous ne puissions parler que par anticipation sur ce qui suivra de la méthode socialiste, cependant on nous accordera sans peine et les leçons à venir établiront d’ailleurs que le socialisme a pour base des observations, — exactes ou non, il n’importe, — mais qui se rapportent toutes à l’état économique de sociétés déterminées. Par exemple, c’est parce que, dans les sociétés les plus civilisées de l’Europe actuelle, la production ne lui paraît pas pouvoir se régler d’assez près sur les besoins de la consommation, ou parce que la centralisation industrielle lui semble avoir donné naissance à de trop grandes entreprises pour que la société puisse s’en désintéresser, ou parce que les transformations incessantes des machines, par l’instabilité qui en résulte, enlèvent au travailleur toute sécu-