Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/668

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il répond, étant récent, est trop aigu pour tolérer qu’on le déclare incurable. Ce n’est pas un mal invétéré, comme l’immoralité humaine en général, qu’une longue accoutumance a fini presque par rendre insensible. A tort ou à raison, les hommes n’ont pas encore eu le temps de s’y faire et de s’y résigner ; quand même, en fait, il n’y aurait pas de remèdes possibles, ils en réclament avec insistance et suscitent ainsi, presque sans arrêt, des chercheurs qui s’efforcent d’en trouver.

Ainsi, de quelque manière que nous considérions le communisme et le socialisme, nous constatons entre eux plutôt un contraste qu’une identité de nature. Le problème qu’ils se posent n’est pas le même ; les réformes qui sont demandées de part et d’autre se contredisent plus qu’elles ne se ressemblent. Il y a bien un point par où ils paraissent se rapprocher, c’est que tous deux redoutent pour la société ce qu’on pourrait appeler le particularisme économique. Tous les deux sont préoccupés des dangers que l’intérêt particulier peut faire courir à l’intérêt général. L’un et l’autre sont animés de ce double sentiment que le libre jeu des égoïsmes ne suffit pas à produire automatiquement l’ordre social et que, d’autre part, les nécessités collectives doivent l’emporter sur les commodités individuelles. Voilà ce qui leur donne un certain air de parenté qui explique la confusion si souvent commise. Mais, en réalité, le particularisme que ces deux écoles combattent n’est pas le même. L’une déclare antisocial tout ce qui est propriété individuelle dune manière générale, l’autre ne juge dangereuse que l’appropriation privée des grandes entreprises économiques que l’on voit se constituer à un moment donné de l’histoire. Aussi les motifs qui les déterminent ne sont pas du tout les mêmes. Le communisme est mû par des raisons morales et intemporelles, le socialisme par des considérations d’ordre économique. Pour le premier, la propriété privée doit être abolie parce qu’elle est la source de toute immoralité ; pour le second, les vastes entreprises industrielles et commerciales ne peuvent être abandonnées à elles-mêmes, parce qu’elles affectent trop gravement toute la vie économique de la société. C’est pourquoi leurs conclusions sont si différentes ; l’un ne voit de remède que dans la suppression aussi complète que possible des intérêts économiques, l’autre, dans leur socialisation. Ils ne se ressemblent donc que par une vague tendance à attribuer à la société une certaine prépondé-