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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Quelles sont d’abord les propriétés de l’espace proprement dit ? je veux dire de celui qui fait l’objet de la géométrie et que j’appellerai l’espace géométrique. Voici quelques-unes des plus essentielles :

1° Il est continu ;

2° 11 est infini ;

3° Il a trois dimensions ;

4° Il est homogène, c’est-à-dire que tous ses points sont identiques entre eux ;

5° Il est isotrope, c’est-à-dire que toutes les droites qui passent par un même point sont identiques entre elles.

Comparons-le maintenant au cadre de nos représentations et de nos sensations, que je pourrais appeler l’espace représentatif.

L’espace visuel. — Considérons d’abord une impression purement visuelle, due à une image qui se forme sur le fond de la rétine.

Une analogie sommaire nous montre cette image comme continue, mais comme possédant seulement deux dimensions, cela distingue déjà de l’espace géométrique ce que l’on peut appeler l’espace visuel pur.

D’autre part cette image est enfermée dans un cadre limité.

Enfin il y a une autre différence non moins importante : cet espace visuel pur n’est pas homogène. Tous les points de la rétine, abstraction faite des images qui s’y peuvent former, ne jouent pas le même rôle. La tache jaune ne peut à aucun titre être regardée comme identique à un point du bord de la rétine. Non seulement en effet le même objet y produit des impressions beaucoup plus vives, mais dans tout cadre limité le point qui occupe le centre du cadre n’apparaîtra pas comme identique à un point voisin de l’un des bords.

Une analyse plus approfondie nous montrerait sans doute que cette continuité de l’espace visuel et ses deux dimensions ne sont non plus qu’une illusion ; elle l’éloignerait donc encore davantage de l’espace géométrique.

Cependant la vue nous permet d’apprécier les distances et par conséquent de percevoir une troisième dimension. Mais chacun sait que-cette perception de la troisième dimension se réduit au sentiment de l’effort d’accommodation qu’il faut faire, et à celui de la convergence qu’il faut donner aux deux yeux, pour percevoir un objet distinctement.

Ce sont là des sensations musculaires tout à fait différentes des sensations visuelles qui nous ont donné la notion des deux pre-