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CRITON.dialogue philosophique entre eudoxe et ariste

sciences particulières, car je crains maintenant de n’avoir plus sur les sciences que des idées incomplètes, et j’ai dessein d’acquérir une culture scientifique moins superficielle.

EUDOXE. — Ce n’est pas en multipliant la somme de ses connaissances que l’on devient philosophe, c’est en cherchant à mettre l’accord entre toutes celles que l’on possède. Dites-moi donc quelle est cette objection dont vous parlez.

ARISTE. — Ne disiez-vous pas qu’il n’y a point de connaissance du successif ?

EUDOXE. — Je le disais.

ARISTE. — Pourtant les sciences de la nature étudient des successions régulières.

EUDOXE. — Que voulez-vous dire ?

ARISTE. — Que les sciences étudient l’enchaînement des causes et des effets dans le temps.

EUDOXE. — Comment donc la science conçoit-elle la cause ?

ARISTE. — Elle la conçoit comme un fait qui, dans certaines conditions, entraîne nécessairement l’apparition d’un autre fait.

EUDOXE. — Ainsi, la cause étant donnée, l’effet suit nécessairement ?

ARISTE. — C’est cela même.

EUDOXE. — Mais dans certaines conditions seulement ?

ARISTE. — Oui.

EUDOXE. — Ces conditions sont nécessaires à l’apparition de l’effet ?

ARISTE. — Sans doute.

EUDOXE. — Il me semble qu’alors ces conditions sont aussi des causes par rapport à l’effet.

ARISTE. — Vous avez raison. Un fait ne résulte jamais que d’un groupe de causes.

EUDOXE. — Voulez-vous que nous appelions ce groupe de causes la cause de ce fait ?

ARISTE. — Je le veux bien.

EUDOXE. — La cause étant donnée, l’effet suit ?

ARISTE. — Oui.

EUDOXE. — Et la cause est antérieure à l’effet ?

ARISTE. — C’est ce que je soutiens.

EUDOXE. — Voilà une singulière cause, car elle ne peut pas produire son effet.