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tion de sa doctrine ; seulement, le miracle en question n’avait pas reçu d’homologation ecclésiastique. Et Kierkegaard, de son côté, affirmait expressément que le type de religion qui, seul, avait pour lui de la valeur, n’existait plus. Dans leurs attitudes respectives vis-à-vis du sacrement de la dernière heure, un lien subsiste, trop faible pourtant pour les ramener au contact de l’Église. — Au reste, c’est une théorie insoutenable que de s’occuper à ce point de la tradition et du culte qu’on en vient à négliger les péripéties antérieures des âmes justiciables de ces forces sociales. Il faut qu’une des tâches dominantes de l’étude des religions soit de relever pas à pas les étapes des grandes âmes religieuses. Et cela d’autant plus que la ligne évolutive de ces individualités supérieures parcourt la religion en cause jusqu’à ses confins extrêmes, justement par leur effort même pour en intégrer l’esprit et la vérité dans leur existence. C’est un tel effort précisément qu’ont réalisé Pascal et Kierkegaard dans leur développement religieux.


IV. ― PARTIS À PRENDRE

Les conjectures sont vaines sur l’orientation qu’aurait pu prendre l’activité de ces deux grands esprits, si leur vie s’était prolongée. Mais est-il sans intérêt d’envisager les voies qui pouvaient s’ouvrir à tout homme ayant suivi d’une adhésion consciente et renforcée par sa propre expérience les deux protagonistes, jusqu’au point exact de leur dernière pensée ?

Trois possibilités se présentent.

On pourrait reprendre les principes du christianisme primitif et s’efforcer d’en faire les fondements d’une vie menée dans l’attente intense de l’intervention approchante de Dieu, s’abstenant entièrement de collaborer à la civilisation et aux œuvres courantes d’intérêt humain. Il existe peut-être, qui sait ? des hommes engagés dans ce chemin que suivit à sa manière saint François d’Assise.

Un autre parti à prendre serait de commencer par faire la concession, exigée par Kierkegaard, sur l’écart entre le christianisme primitif et celui de nos jours. Il faudrait alors faire un pas de plus dans ce sens et reconnaître qu’au fond le christianisme moderne est une autre religion que le christianisme primitif. On éviterait ainsi la contradiction qui consiste à professer un idéal que, pratiquement, on renie. Dans cette conception on verrait bien dans la religion un facteur essentiel de la vie spirituelle, mais on admet-