Page:Revue de métaphysique et de morale - 30, 1-2.djvu/261

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trait, à côté, d’autres idéaux qui en diffèrent par leur origine et par leur orientation et qui, toutefois, méritent de diriger en partie la conduite et la conception de la vie. Il sera peut-être malaisé de coordonner dans un même système les différentes étoiles conductrices, mais, au moins, la sincérité si chère à nos deux penseurs demeurera intacte.

Pour ceux à qui ces deux chemins paraissent impraticables, un troisième reste ouvert : ils recommenceront l’effort des Grecs pour fonder sur la nature et sur l’expérience humaines les directives d’une vie morale. Ils auront à rechercher l’idéal et le but respectifs que comportent les principes ainsi établis. En fait, c’est dans ce sens que se dirigent depuis deux ou trois siècles les tentatives pour réaliser une morale à base philosophique. J’ai exprimé jadis cette idée (La Morale, X, 4) sous la forme suivante : « Nous pouvons reprendre la notion platonicienne de la justice, en tant qu’harmonie personnelle, pour exprimer la liaison intime, l’unité supérieure de l’affirmation de soi et du dévouement. L’antique notion d’harmonie doit être élargie et approfondie au moyen des expériences morales qui se trouvent condensées dans les appréciations portées sur le caractère par le Stoïcisme, le Christianisme, la Renaissance et l’Humanité moderne. Mais ce changement dans le contenu de la notion est très possible sans qu’il soit besoin d’en faire éclater le cadre. Notre morale est la morale grecque, que l’évolution morale ultérieure, avec ses oscillations multiples, a bien pu modifier et rectifier, mais qui ne pourra jamais être supplantée, tant qu’il subsistera une morale humaine, vraiment digne de ce nom. » Le travail continu sur ces bases ne peut que développer la croyance en son propre avenir, la conviction qu’il a sa place dans l’existence universelle et qu’il en représente même un élément indispensable à son plein développement. Pour l’expression plus vivante d’une telle conviction, il faut avoir recours aux symbolisations du langage poétique. Aussi la poésie, riche et profonde, est-elle du nombre des valeurs dont il faut escompter la permanence et l’épanouissement dans l’avenir.

En face des deux autres conceptions de la vie que nous avons indiquées, la position à prendre nous semble être celle-ci : au lieu de renoncer à tout développement naturel de la vie humaine et à toute culture autonome, à la vie de famille et à toute activité sociale, artistique ou scientifique, et au lieu de tenter une combinaison superficielle de