Page:Revue de métaphysique et de morale - 9.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
E. CHARTIER.SUR LES PERCEPTIONS DU TOUCHER..

cette dernière connaissance n’est ni immédiate ni simple. Comment est-il possible que l’étude des perceptions n’ait pas mis les philosophes en garde contre cette erreur qui consiste à croire qu’il y a quelque connaissance immédiate et primitive ? Rien ne nous le prouve, en effet, que notre expérience, et nous savons bien que cette expérience est trompeuse. En étudiant la résistance, qui en fait est une perception primitive, nous sommes amenés à reconnaître qu’en droit elle n’est pas primitive. En toutes choses nous trouvons toujours, si nous cherchons bien, un commencement avant le commencement, et non pas un commencement plus humble et plus petit que ce qui en résulte, mais au contraire un commencement plus complet et plus parfait que tout ce qui en résulte. Comprendre ce que c’est que l’esprit, c’est comprendre que toute question d’origine nous jette dans un cercle, et que toute la pensée est antérieure à toute pensée. Pour connaître son propre corps, il faut percevoir, mais pour percevoir, il faut déjà connaître son propre corps. Pour penser, il faut d’abord vivre, et la vie est la pensée enfermée et impliquée. Tel est le résultat de l’analyse de nos perceptions, si nous la poussons assez loin. Le rôle de la Raison est à reconnaître que la tâche de l’intelligence est déjà faite.

E. Chartier.