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partie d’un mouvement mieux unifié. « C’est la force de la cohésion du moi et sa résistance qui donnent la mesure de la liberté. » Cette unité même, « qui explique la liberté », est l’expression de l’harmonie entre les tendances qui constituent l’individualité consciente ; elle est, en un mot, l’esprit, le principe spirituel par excellence, qui se révèle dans l’acte, pur, dans l’intuition et dans la réflexion.

Dans un appendice, l’auteur passe en revue les méthodes psychologiques. Il distingue parmi elles : l’introspection, l’intuition, les méthodes de laboratoire, psycho-physiques, psychométriques, les enquêtes, les méthodes pathologiques qui portent spécialement sur les faits d’automatisme et sur le subliminal, enfin la méthode réflexive. Entre l’intuition et l’introspection ordinaire des psychologues classiques, il convient de noter les différences indiquées par M. Bergson. Quant à la méthode réflexive, ainsi nommée par Lagneau, elle a pour but « d’expliquer l’unité logique que présente la conscience, de déterminer ses caractères essentiels et de rechercher les lois qui permettent de les comprendre ». L’intuition bergsonienne vise à atteindre le fond de la vie spirituelle, sous les couches stratifiées du logique et du social. L’analyse réflexive s’applique plus spécialement à la pensée en tant qu’idéation et réflexion. C’est par elle qu’on arrive à la notion la plus correcte de l’implication mutuelle des idées dans la totalité concrète qui constitue tout acte de pensée, de connaissance ou de volition réfléchie.

Cet essai de mise au point de la psychologie contemporaine dénote un effort remarquable de précision en un domaine où il semble que la précision même, lorsque pour la réaliser on s’inspire du modèle des sciences exactes, risque d’être une cause capitale d’erreur et d’illusion. Avec MM. W. James, Bergson, Höffding, l’idée s’est affirmée d’une psychologie nettement distincte de la biologie, d’une part, et de la sociologie, d’autre part, ayant ses méthodes propres, aspirant à se créer un langage et des catégories adéquats à son objet. L’écueil, dans ces tentatives de traduction d’une réalité irréductible, par hypothèse, à des systèmes d’idées claires, est le verbalisme, l’artifice de style, qui se contente de métaphores en guise d’explications. Aux psychologues de cette école, dont les travaux ont donné une impulsion si vigoureuse et si féconde à la science de l’esprit, il importe cependant de rappeler, de temps à autre, que comparaison n’est pas raison.

Les inclinations. Leur rôle dans la psychologie des sentiments, par Renault d’Allonnes, 1 vol. in-8 de 228 p. Paris, Alcan, 1908. — Il y a deux choses dans ce livre : une théorie de l’inclination inémotive ; une théorie de l’émotion comme phénomène viscéral. L’auteur remarque que l’inclination peut être indépendante de l’émotion. Condillac la dérivait de l’émotion. Garnier en dérivait l’émotion ; mais Bain a bien vu que « le sentiment comprend tous nos plaisirs et toutes nos souffrances ainsi que cet état d’esprit qui n’est ni agréable, ni désagréable, mais est une cause d’activité ». En effet l’émotion peut disparaître de l’inclination (par habitude, par intellectualisation, par incapacité affective) sans que la systématisation et l’énergie de cette dernière en soient altérées ; l’inclination inémotive demeure source d’action et peut, sans le secours des forces affectives, se composer en des complexus solides, s’extérioriser en des manifestations automatiques et réfléchies.

Or c’est précisément le tort de la théorie périphérique de l’émotion (James-Lange) de méconnaître l’existence des inclinations ainsi comprises ; elle fait entrer dans la composition de l’émotion, avec les sensations viscérales, les sensations mimiques externes : elle ne conçoit pas le fonctionnement inémotif des mécanismes moteurs ; elle confond avec l’émotion l’inclination qui lui est souvent connexe, mais qui peut en être indépendante (p. 106).

Il faut distinguer dans l’émotion trois classes : l’émotion viscérale (secousse viscérale affective neutre, plaisir, douleur, angoisse, p. 57 ; v. p. 187, une liste un peu différente) ; 2o l’émotion inclination, qui comprend outre le viscéral des éléments sensoriomoteurs ou intellectuels ; 3o l’inclination consciente inémotive ci-dessous définie.

L’auteur se sert des expériences de Bechterew pour établir que la mimique est par elle-même inémotive, qu’il y a une mimique purement inémotive à base sensorielle et cérébrale ; il essaie – contre Piéron – d’interpréter dans le même sens les expériences de Sherrington et de Pagano. Mais, pour établir cette dissociation de droit entre l’inclination et l’émotion, il se sert surtout d’un fait clinique déjà publié par lui, le cas de la malade Alexandrine chez qui l’abolition de l’émotion laisse intactes et la mimique émotionnelle et les auteurs ordinaires.

D’autre part l’absence d’émotion de cette malade paraît liée à l’anesthésie