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LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
ET LA PENSÉE MATHÉMATIQUE


(premier article)




Dans un précédent article[1], nous avons signalé le « mathématisme » comme un caractère de la philosophie moderne. Nous le dénonçons aujourd'hui comme un vice.

Naguère, il s'agissait surtout de constater. Nous nous proposons aujourd'hui plus précisément de critiquer.

Ce fut un malheur pour la philosophie d’envier et de vouloir imiter la certitude mathématique. La méthode et l'esprit des mathématiciens ne doivent pas et ne peuvent pas gouverner la spéculation philosophique. Que la précision du mathématicien stimule l’exactitude du métaphysicien, à la bonne heure ! Mais elle ne saurait lui servir de modèle. Le philosophe peut s’inspirer avec profit des procédés mathématiques. Mais il essaierait vainement de les copier. On ne doit pas non plus rêver d’une méthode généralisée qui appartiendrait en commun à la mathématique et à la philosophie. Malgré un échange de services mutuels, les deux sciences restent distinctes. La pensée philosophique demeure irréductible à la pensée mathématique. Telle est la vérité que nous voudrions éclairer et confirmer ici.


I


Tout d’abord, quel rôle et quelle importance respective convient-il de reconnaître à l’image dans les deux ordres de spé-

  1. Un caractère de la philosophie moderne : le « mathématisme  ». Revue de philosophie. mai 1904.