Page:Revue de synthèse historique, Tome 33, 1921.djvu/29

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M. van Langenhove n’a voulu consulter que des sources allemandes : témoignages de soldats, articles de presse, procès-verbaux officiels. La plupart de ces textes avaient déjà été rassemblés avant lui, en Allemagne même. Dès les premiers combats, lorsque se répandirent parmi les troupes assaillantes et à l’arrière ces récits atroces, qui, selon la forte parole du Hannoversche Courier, faisaient apparaître les Belges des deux sexes comme des bêtes altérées de sang, dans cette symphonie discordante de racontars et d’impostures, on put remarquer qu’un thème se dessinait sur l’ensemble d’un trait plus net : à la tête des espions, des francs-tireurs, des massacreurs de blessés, des pétroleuses, l’imagination soldatesque plaçait les prêtres. Les catholiques allemands s’émurent ; cette légende anticléricale qui menaçait de soulever contre eux, dans leur propre pays, des haines redoutables ne pouvait les laisser indifférents. D’où des enquêtes comme celles que mena le bureau Pax de Cologne, et le livre d’un jésuite, déjà connu par d’estimables ouvrages historiques, le Père Duhr : Der Lügengeist im Volkskrieg. L’amour de la vérité absolue n’inspirait pas ces travaux : que la population belge dans sa masse fût coupable ou bien injustement calomniée, là n’était pas la question ; il fallait seulement que le clergé fût reconnu innocent ; une fois l’honneur des prêtres vengé, rien n’importait plus. Mais dans un cycle d’erreurs tout se tient ; en enlever une pierre, c’est faire crouler l’édifice entier. M. van Langenhove a pris des mains des apologistes allemands les documents qu’ils avaient recueillis et qui dans leur pensée ne devaient servir que des intérêts étroitement confessionnels ; il les a employés à un dessein plus vaste. Les classant avec méthode, s’efforçant d’en retracer les filiations, les soumettant en un mot aux règles d’une critique sagace, il a su grâce à eux jeter une vive lumière sur tout le groupe de légendes qu’il se proposait d’étudier.

Un pareil livre, dont toute la force réside dans la précision de l’instrument critique et dans la finesse des analyses, ne se laisse guère résumer. Mais on peut essayer d’en dégager les résultats principaux, qui sont d’une portée très générale. Lorsqu’on compare les images multiples fournies par M. van Langenhove, on voit, leurs traits fondamentaux se recouvrant, apparaître comme un dessin schématique de la fausse nouvelle d’« atrocités » ; reproduire ce schéma, c’est ce que je voudrais tenter ici. Bien entendu je ne