· · · · · · Malgré l’aimable hospitalité qui essayait de nous retenir à la ville, je me sentais impatient d’abandonner le séjour de Brousse, et de m’éloigner des rives escarpées et trop bruyantes du torrent (Gueuk-Dèrè) qui en traverse le faubourg oriental, pour me rapprocher des thermes magnifiques auxquels j’espère devoir le retour de ma santé. Tout semble se réunir pour assurer le succès de mon excursion : l’éloignement du bruit et des affaires ; un repos, une sécurité parfaite ; la plus belle saison de l’année, un temps superbe, une nature admirable ; enfin, un bien-être si doux, que ne trouble même pas sérieusement la curiosité quelquefois importune, dont nous sommes l’objet, au milieu d’une population encore peu accoutumée à notre costume étranger, et surprise de voir des Européens préférer une tente aux habitations ordinaires des hommes.
Je voudrais réussir à vous faire partager les émotions de cette vie toute nouvelle pour mes jeunes compagnons de voyage, et surtout à vous peindre fidèlement le tableau qui se déroule autour de nous, et dont nos yeux ne sauraient se rassasier. Les descriptions sont bien froides et bien pauvres auprès d’une vérité aussi riche et aussi animée. Elles ne présentent trop souvent, en effet, qu’un assemblage, qu’un amas de mots sans couleur et sans vie ; et pour qui n’a pas joui d’un tel spectacle, rien ne saurait le rendre d’une manière satisfaisante. Je tâcherai cependant de vous en tracer une esquisse légère, en n’employant que des expressions simples et naturelles, les seules que je crois propres à vous faire aussi goûter quelque peu de ce que j’éprouve.
Nous avons choisi pour l’emplacement de notre maison de toile, l’angle oriental d’une plate-forme triangulaire couverte de verdure, et connue sous le nom de Badamli-Baghtché, (le jardin des Amandiers). Nous dominons la plaine inférieure, comme si nous étions placés au sommet d’un bastion : c’est sur ce boulingrin que se rassemblent les grou-