pide où il prit la nation. Pourtant il fallut détruire ce pouvoir militaire colossal, que son génie et les circonstances avaient créé. Par quelle inconséquence veut-on donc favoriser aujourd’hui en Europe l’établissement d’un pouvoir semblable ? Napoléon fit, on peut le dire, des guerres d’entraînement, presque toutes de nécessité ; la Russie ne fait que des guerres froides et calculées. Alors c’était un seul homme que l’ambition poussait ; aujourd’hui c’est une nation entière. Cet homme était gêné dans sa marche par les besoins de son peuple qui demandait autre chose que des conquêtes ; le Czar est poussé lui-même par les siens, qui, passifs et mus seulement par le sentiment du bien-être matériel, demandent des contrées plus heureuses et plus fertiles que celles qu’ils habitent. L’un enfin commandait à une nation pleine d’industrie et de science ; à la suite des baïonnettes françaises, il y avait des lois, des routes et de l’ordre administratif. L’autre commande à une nation encore dans l’enfance, faible en tout, si ce n’est pour opprimer ; à la suite des baïonnettes russes, il n’y a que la verge du sergent, seul levier connu par les gouverneurs pour faire respecter leurs volontés.
Les pays envahis par la Russie sont aujourd’hui tels qu’elle les a trouvés ; car elle promet de la civilisation comme elle offrait à la Perse de lui fournir des officiers pour discipliner ses armées. Elle n’en veut que ce qui concourt à son but, et ceux qui l’observent ailleurs qu’à Pétersbourg savent la liberté qu’elle réserve aux provinces européennes de la Turquie, si elle parvient à s’en emparer.
Tandis que cet empire poursuit avec persévérance un système dont il recueille les avantages aux dépens des autres cabinets, ceux-ci se contenteront-ils d’assister à ses triomphes ? Quand la monarchie ottomane sera renversée et ses provinces décidément conquises, se consolera-t-on en disant : « qui l’au-