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DES INTÉRÊTS

toutes les maladies, et qui tue plus de malades qu’il n’en guérit.

Voilà ce que M. de Metternich paraît avoir compris ; d’ailleurs l’Autriche, ainsi que nous l’avons démontré, n’éprouvait nullement le besoin d’étendre le principe de l’indépendance. L’Angleterre seule y était intéressée ; elle avait à redouter, en cas de guerre, la mise en vigueur du système continental, système qui, s’il eût été bien entendu, et si Bonaparte n’eût pas inspiré tant de méfiance, aurait occasionné la ruine totale des trois royaumes. Pour parer à cette mesure, il fallait qu’elle cherchât au loin, dans une contrée qui ne peut avoir de relations qu’avec les états maritimes de l’Europe, un débit assuré pour ses innombrables produits. L’Amérique seule présentait les conditions nécessaires. Si l’on ajoute que l’Angleterre, se croyant maîtresse absolue de la mer, pensait pouvoir interrompre au besoin toute relation entre la France et cette partie du monde, on verra combien il lui importait que le Mexique, la Colombie, le Pérou, le Brésil, etc., se constituassent en nations indépendantes. Ce ne serait donc pas précisément dans un but philantropique qu’on aurait favorisé l’émancipation des nouveaux états ; ce n’était donc pas absolument la liberté civile et religieuse que l’on voulait, mais bien, avant tout, des débouchés pour la production anglaise. Loin de nous de prétendre accuser M. Canning ! Nous admirons au contraire sa rare habileté, son tact, son discernement ; il a mis à profit les passions humaines, il a bien fait. Mais malheureusement ces passions, au nombre desquelles se trouve l’appât du gain, ont précipité le commerce anglais dans des entreprises funestes ; la faute en est au commerce seul. Il réparera peu à peu ses pertes, et l’Angleterre aura acquis de vastes et de nombreux marchés que l’Espagne seule approvisionnait avant elle.

Ainsi la même pensée a créé des systèmes entièrement contraires ; nous dirons plus, ennemis. Assurer la prospérité de sa