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Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 1.djvu/219

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DE LA NEUTRALITÉ DE LA SUISSE.

ques cantons fut traquée et moissonnée en détail, après que l’armée eut été battue ; tout fut mis à feu et à sang ; des centaines d’enfans abandonnés erraient dans les forêts, n’ayant plus d’asile, plus de parens, plus d’amis ; les autres cantons furent obligés de se les répartir, pour qu’ils ne mourussent pas de faim. De pareils souvenirs ne s’effacent pas si vite.

Quant aux routes du Simplon et du Saint-Gothard, qui nous mettent, dit-on, à la merci des étrangers, il ne faudrait que quelques heures pour les détruire ; car on a déjà assez de peine à les maintenir praticables dans la belle saison, et d’ailleurs rien ne serait plus facile que de protéger ces passages par quelques fortins préparés à l’avance. En supposant même que les armées ennemies franchissent ces monts et pénétrassent dans les vallées du Rhône et du Rhin, on pourrait, à bon marché, les y cerner et les y affamer. Peu s’en fallut, lorsqu’en 1815, l’armée de Frimont entra dans le Valais, qu’elle ne s’y vit arrêtée et acculée par 12 ou 1,500 Français. Sans les chasseurs tyroliens, qui descendirent à marches forcées par le Saint-Bernard, et s’emparèrent du défilé de Saint-Maurice, quelques heures avant les Français, c’était une armée de 50,000 hommes bloquée et refoulée, à moins que les Suisses ne l’eussent secourue.

La Suisse a été battue, en 1798, par l’armée de Brune. C’est encore vrai ; mais alors elle n’avait aucune organisation centrale. Ce fut le canton de Berne, à peu près seul, qui fut battu ; le reste ne prit point part à la défense générale, la révolution était dans le cœur du pays : car non-seulement l’aristocratie presque partout s’était emparée du pouvoir ; mais elle tenait sous le joug des hommes qui se voyaient privés de tout intérêt public, de toute place, de tous droits politiques.

Maintenant les Suisses sont égaux : au lieu de treize cantons sans lien social, il y en a vingt-deux, présentant une masse compacte, au moyen du pacte fédéral, dont,