tenait en présence, ne pouvaient manquer de rechercher l’appui de cet homme extraordinaire, dont la voix seule subjuguait des populations entières. L’Imâm Abou-baker, l’ancien précepteur de l’obscur Mohhammed, devint, pour l’émyr déchu Ibrahym, un appui auprès du nouveau Mahdy. Ibrahym met à la disposition de celui-ci tout ce qu’il a de soldats, d’armes, de chevaux ; il marche lui-même sous ses ordres, et l’on s’avance contre Faldy, qu’habite l’émyr Yousef. Cette expédition a l’air d’un triomphe plus que d’une attaque ; car le Mahdy promet la victoire aux musulmans réformés.
Mais hélas ! cette réforme n’était peut-être point assez profondément entrée au cœur de son armée ; Yousef, sans l’attendre à Faldy, vint le battre complètement à quelques lieues de là, près des villages de Bounbah et d’A’bd-Allah. L’émyr Ibrahym prit la fuite : quant au Mahdy, il avait disparu dans la mêlée.
Deux mois après, on le revit à Souymah ; il sortait des cases habitées par ses femmes et ses esclaves : vêtu de pagnes blanches, l’air grave, triste et recueilli, il portait sur son bras gauche son jeune fils encore à la mamelle ; sa main droite était armée d’un poignard nu.
À sa vue, le peuple s’ameute, accourt, s’empresse autour de lui ; un tronc d’arbre abattu lui sert de tribune ; son regard impose silence à la foule, et sa voix éloquente se fait entendre. Il dit avec chaleur que, « si Dieu n’a pas favorisé contre Yousef, les armes des réformés, la cause en est aux souillures dont ceux-ci ne sont point lavés ; les péchés odieux des Fellâns n’ont pu être rachetés par ses seules prières ; il faut à Allah une offrande expiatoire, ainsi que le prescrit le livre de la loi ; la victime à immoler, il ne la demande point aux pères, aux mères qui l’entourent ; c’est lui-même sur qui doit retomber le sacrifice, car c’est lui qu’Allah a désigné pour effacer les péchés de son peuple, et c’est dans le sang