Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 1.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
VARIÉTÉS.

une série de nouveaux axiomes politiques, développés dans une constitution improvisée. Vainement nous objections, quand (chose rare !) on nous laissait prononcer un mot, qu’il y avait une distance immense entre la théorie et la pratique, entre les généralités et les détails ; on nous répondait que la marche des lumières rendait toute innovation possible. La curiosité me portait souvent à entrer chez les apothicaires, lieu ordinaire de réunion pour ces réformateurs. Jamais je n’ai vu un tableau plus triste du fanatisme politique. Le bruit des débats, la violence et les gestes des orateurs rappelaient d’une manière plaisante les discussions de Gilblas avec les logiciens. Ce fut dans une de ces assemblées qu’un patriote s’attira, de la part d’un militaire, une correction personnelle, pour une pasquinade qu’il s’était permise contre l’Empereur. L’histoire nous fournit plus d’un exemple des effets importans qui viennent des causes les plus légères. On aura de la peine à croire, cependant, que quelques coups de canne renversèrent la constitution, et faillirent plonger l’empire dans une guerre civile. Cet outrage à la personne d’un citoyen paisible, comme on l’appelait, excita l’indignation générale. L’armée, jusqu’alors objet d’orgueil, d’admiration, et des plus belles espérances, fut assimilée aux gardes prétoriennes, don Pèdre à Tibère ou à Néron. Les cortès entretenaient la flamme par des émissaires. Depuis sa réunion, cette assemblée, toute démocratique, se montrait disposée à restreindre la prérogative de l’Empereur ; elle ne laissa pas échapper cette occasion. Elle dénonça l’affaire comme l’avant-coureur du despotisme militaire, déclara la constitution en danger, s’établit en permanence, et pour comble de hardiesse ordonna à l’Empereur de se retirer avec l’armée à dix lieues de la capitale.

Don Pèdre se trouvait au palais de Saint-Chrestorao, à une lieue de la ville, quand ce décret de l’assemblée législative éclata sur lui, comme un coup de foudre. Il n’y avait pas de milieu à suivre ; l’empire, sa vie même, dépendaient de la