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VARIÉTÉS.

volonté de son maître. Le président seul conserva toute sa présence d’esprit ; il se leva avec dignité, déclara don Pèdre et l’armée traîtres à la patrie, et ordonna avec force au général de s’éloigner de l’enceinte sacrée de l’assemblée, que violait sa présence en armes. Celui-ci, pour toute réponse, montra la place remplie de soldats. L’assemblée se dispersa. On s’empara à leur sortie de quatre des principaux agitateurs, parmi lesquels se trouvèrent le premier ministre et son frère. On les transporta à bord d’un vaisseau qui fesait voile pour la France, et avant que le soleil du lendemain eût éclairé l’horizon, les rivages de leur patrie avaient disparu à leurs yeux.

L’incertitude, le soupçon, s’emparèrent alors de tous les esprits ; mon séjour à Rio m’accabla de sa monotonie. J’avais vu le premier acte de l’indépendance, je voulus retourner à San-Salvador, pour assister à la dernière scène du drame de la domination portugaise. J’éprouvai beaucoup de difficultés à partir ; un blocus rigoureux interceptait tous les vaisseaux faisant voile pour les provinces du nord. Dans cet état de choses, le capitaine d’un vaisseau de guerre français m’offrit poliment le passage. Le temps qui s’écoula à bord du Rusé fut pour moi un temps de plaisirs. Il y a quelque chose de si intéressant dans un vaisseau de guerre ; c’est comme un monde en miniature. Je m’occupais à comparer, autant qu’il était en mon pouvoir, l’ensemble de la discipline française avec celle de notre pays. Un ordre parfait régnait partout ; on exerçait tous les jours l’équipage aux canons et à l’exercice. J’ai cru observer cependant plus de théorie que de pratique dans les manœuvres, et les officiers s’empressaient eux-mêmes de profiter de l’expérience de leurs voisins. Je fus frappé surtout de l’extrême docilité de l’équipage et de l’absence de ces fortes mesures de correction si nécessaires à notre service. J’en fis la remarque au capitaine ; il me répondit en souriant qu’il pouvait tout obtenir d’eux, hors le silence. L’équipage était entièrement composé de Provencaux, qui passent, même en