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PROJET D’UNE INVASION DE L’INDE.

des Kirghis est accueilli, dit-on, comme un souverain. Des salves d’artillerie annoncent son arrivée ; on le salue du drapeau, on lui présente les armes… Ajoutons qu’il n’y peut entrer sans la permission du gouverneur russe.

Voilà des faits d’une haute gravité. Les conséquences en seront sérieuses, mais elles passent inaperçues au milieu des agitations du moment. Cependant, que l’on jette les yeux sur la carte du monde, partout on rencontre le colosse russe. Vous le trouvez sur les limites de la Suède et de la Norwège, sur la route de Constantinople et de Théhéran, dans les montagnes de l’Arménie, dans les steppes de la mer d’Aral ; il commerce avec la Chine et les Tartares, traverse le détroit de Behring, donne la main aux Américains du Nord, convoite la Californie… Sa tête semble atteindre au pôle, ses pieds baignent dans les mers de la Grèce. Rien ne saurait le distraire de ses desseins. Sa marche est lente ou rapide, pacifique ou belliqueuse, suivant les temps et les circonstances. Tandis qu’il se précipite vers l’Europe, on ne s’aperçoit pas qu’il envahit peu à peu l’Asie centrale. Déjà il commande aux Kirghis, il protége les Kalmouks[1], il se fait craindre des Khi-

    Il s’occupe avec beaucoup de zèle de la civilisation de ses Tartares. Il a introduit parmi eux plusieurs usages d’Europe. Lors de la campagne contre Bonaparte, il a pris une part active à la guerre, et commandait un régiment de Kalmouks. Depuis son retour, il a fait construire pour lui un vaste palais de bois. Il n’habite plus sous une tente, si ce n’est à l’époque la plus chaude de l’année pendant laquelle il campe durant quelques semaines, au milieu des steppes. Sa maison renfermait une collection d’armes précieuses, d’instruments de musique, et une petite bibliothèque de livres russes, pour la plupart historiques, tels que les Annales de Karamzin, les voyages de Karpini, d’Abul-Gasi et autres ouvrages sur les Kalmouks et leurs domaines. Il fit aux voyageurs le plus gracieux accueil ; sa table était servie selon l’étiquette russe, et durant le repas, où il fit boire à ses hôtes des vins de France de Grèce, douze musiciens kalmouks, dirigés par un maître d’orchestre russe, exécutaient avec beaucoup de justesse des symphonies, des airs allemands et des marches, etc… »

  1. Un collége pour les Kalmouks vient d’être crée à Saint-Petersbourg.