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POLYNÉSIE.

Accablé par la fièvre, je pouvais à peine me soutenir pour commander la manœuvre, mais je dus beaucoup à l’activité des officiers qui me secondaient, et surtout au courage, au sang-froid et à l’habileté avec laquelle M. Gressieu me servit de pilote dans cette importante circonstance.

Il était grand temps sans doute de nous échapper de Vanikoro. Déjà la fièvre avait mis quarante-cinq personnes hors de service ; quelques jours de plus, toute manœuvre nous devenait impossible. La veille même de notre départ, à la suite d’un mouvement que je voulus faire, la corvette se trouva entraînée à peu de distance des brisans ; faute de bras je fus obligé de rester toute la nuit dans cette position, et d’attendre que le vent eût changé.

Notre extrême faiblesse avait en outre enhardi les sauvages à un tel point, qu’ils conçurent l’audacieux projet de nous enlever. Le même jour, ils vinrent visiter le navire, munis de leurs seules armes, examinèrent le petit nombre d’hommes qui restaient valides, et semblaient préluder à leur attaque. Leurs complots n’échappaient pas à notre vigilance. D’un ton ferme et sévère, je leur défendis l’accès du bord, et je fis ouvrir la salle d’armes, ordinairement fermée avec soin. L’aspect de vingt mousquets étincelans dont ils connaissaient la puissance, les fit tressaillir, et nous délivra de leur présence. Il est essentiel de maintenir ces naturels stupides et grossiers par la seule terreur des armes ; elle est presque toujours plus salutaire que leur effet même. La vue seule d’un pistolet mettra en fuite vingt sauvages, tandis qu’ils seraient capables de se ruer comme des bêtes féroces sur une troupe qui viendrait de faire feu sur eux.

Le groupe de Vanikoro se compose surtout de deux îles d’inégale étendue, entourées de toutes parts d’un immense récif de trente à quarante milles de circuit ; en outre, deux ou trois îlots beaucoup plus petits se trouvent disséminés près d’elles.