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POLYNÉSIE.

à ceux de l’autre frégate, ils auraient construit un petit navire des débris du grand, et auraient quitté Vanikoro au bout de sept à huit lunes. Depuis cette époque on n’aurait plus entendu parler d’eux.

Si ce récit est vrai, comme tout porte à le croire, les malheureux qui ont échappé aux combats et aux maladies auront tenté de prendre la route des Moluques ou des îles Philippines, et il y a lieu de supposer que leur nouveau navire se sera perdu sur les côtes périlleuses des îles Salomon, alors presqu’entièrement inconnues, aujourd’hui même très-imparfaitement explorées. Un jour, et ce jour n’est peut-être pas éloigné, un hasard heureux, semblable à celui qui s’offrit à Dillon, nous fera connaître le théâtre de ce dernier désastre ; mais le malheur veut que ces parages soient occupés par des peuples presqu’aussi sauvages que ceux de Vanikoro, aussi peu susceptibles qu’eux de compâtir aux maux et de respecter la vie des infortunés que le naufrage jette entre leurs mains.

Quant à nous, échappés comme par enchantement aux récifs de Vanikoro, nous cherchâmes quelque temps à regagner les plages hospitalières du Port-Jackson, pour donner à nos malades des secours et les moyens de se rétablir. Des vents forcés de sud-est et de sud-sud-est, accompagnés d’un temps affreux, nous obligèrent de renoncer à ce projet, et de nous diriger vers les Mariannes, lieux déjà chers aux marins français, par l’accueil généreux qu’ils avaient offert à M. le capitaine Freycinet et à ses compagnons de voyage. Durant ce pénible trajet, que le calme et des brises contraires rendirent d’une longueur désolante, notre corvette offrait l’état le plus déplorable. La fièvre avait successivement saisi toutes les personnes de l’équipage : capitaine, officiers, médecins, maîtres, marins et soldats, tous, hormis huit à dix personnes, avaient payé le tribut à l’impitoyable maladie. Les uns pâles, exténués et fatigués de l’existence, employaient un reste de