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POLYNÉSIE.

force à se traîner d’un bout du navire à l’autre, pour distraire leur ennui et chercher quelques soulagemens à leurs maux ; d’autres, parvenus au dernier degré d’affaiblissement, restaient étendus sans mouvement là où on les transportait, heureux au moins que l’excès du mal leur ôtât en partie le sentiment de leurs souffrances. L’Astrolabe qui, peu de jours encore auparavant, n’offrait qu’une réunion d’individus satisfaits et jouissant de la santé la plus florissante, avait été convertie, par le séjour à Vanikoro, en une infirmerie où le petit nombre des hommes bien portans ne semblait être que les gardiens des malades et des invalides.

Voilà les tristes auspices sous lesquels nous poursuivîmes notre longue navigation, tout en opérant encore d’importantes reconnaissances et des découvertes dans les archipels des Carolines, dans les îles des Papous et des Moluques.

Implacable à nous tourmenter, la fièvre résista à tous les efforts, à tous les soins des médecins, elle nous poursuivit dans le reste de notre navigation, et six mois après, à notre arrivée à l’île de France, plus de vingt-cinq personnes étaient encore en proie à de violens accès.

Aux Moluques, la dyssenterie, plus impitoyable encore, avait joint ses ravages à ceux de la fièvre, et avait enlevé en peu de temps huit hommes à l’équipage de la corvette. En quittant Bourbon, nous fûmes encore obligés de laisser à l’hôpital douze malades à qui leur état ne permettait pas de nous suivre sans compromettre leur existence.

Maintenant qu’il me soit permis, Messieurs, de rendre devant vous un témoignage authentique et sincère de reconnaissance, et presque d’admiration, aux officiers et aux naturalistes qui ont partagé avec moi les dangers de cette campagne. Cent fois j’exposai leurs jours à une perte presqu’assurée ; peut-être même ai-je couru, dans l’ardeur de mon zèle, le risque d’être taxé d’une imprudence poussée jusqu’à la témérité ; mais j’avais pour excuse et pour garant