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ANNONCES BIBLIOGRAPHIQUES.


Ismaël ben Kaïzar, ou la Découverte du Nouveau-Monde, roman historique, par M. Ferdinand-Denis, 5 vol. in-12, chez Charles Gosselin, rue Saint-Germain-des-Prés, no 9 ; avec cette triple épigraphe :
Muy rebuelta esta Granada,
En armas y fuego ardiendo
.
Romancero general.
Ainsi a dit l’Éternel, qui a dressé un chemin dans la mer, et un sentier parmi les eaux impétueuses.
Ésaïe.
Quoiqu’ils soient depuis long-temps au milieu de nous, ils conservent l’idée que je suis descendu des cieux, et ils le publient partout où nous abordons.
Christophe Colomb


C’est une carrière grande et brillante que celle que Walter-Scott a ouverte au roman moderne ; mais c’est aussi une carrière semée d’écueils, où le travail des recherches et l’amour-propre du savoir doivent s’effacer complétement sous le naturel du coloris, l’aisance de la touche, l’intérêt des situations ; où les grandes scènes de l’histoire veulent être dépouillées de leur grave majesté, pour se révéler à nous dans les actes individuels qui les ont produites ou accompagnées.

M. Ferdinand-Denis a voulu nous peindre, dans une composition de ce genre, l’événement le plus mémorable, sans contredit, des temps modernes. Peut-être le choix d’un tel sujet, tel du moins que l’a envisagé le jeune littérateur, n’est-il point heureux ; il était en effet d’autant plus difficile à traiter, qu’il est trop solennel, trop historique jusque dans ses détails, pour laisser à l’imagination une part assez large ; la grande figure de Colomb est trop grave pour se prêter à devenir l’un des ressorts d’une action purement romanesque. Aussi l’ouvrage de M. Denis, rempli de peintures charmantes de cette nature inter-tropicale qu’il affectionne comme un fils, semé de curieux détails de mœurs sauvages, qu’il a étudiées chez les sauvages eux-mêmes, offrant des situations pleines d’intérêt et de poésie, ne remplit cependant pas complétement les conditions du roman : trop de particularités historiques s’y montrent à nu, indépendantes du sujet dramatique de la composition.

Nous n’oserions en rejeter la faute tout entière sur le talent de M. Denis ; mais nous avons un reproche à adresser directement à ce talent si frais, si gracieux, si romantique ; c’est de se montrer ici sous un style qui n’est pas le sien propre. À son originalité native il a préféré les coupes, les structures d’une école. M. Ferdinand Denis est fait pour ne point marcher à la suite des autres : l’auteur d’André le voyageur, des Scènes de la Nature sous les tropiques, ne peut que perdre à changer son style.