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DES POSSESSIONS ASIATIQUES AU-DELÀ DU CAUCASE.

dans les régimens russes, ont redit sans doute avec regret ces merveilleuses histoires de l’Orient, où les esclaves deviennent beys et riches pachas à leur tour. Ce don de la civilisation moscovite n’a donc point gagné les cœurs des Géorgiens, et le sentiment d’honneur national, froissé par la conquête, est encore vivace chez ce peuple de gens de guerre. Dans le Kara-bagh et le Daghestan, les tribus mahométanes ont toujours un asile et des secours au service des ennemis de la Russie. À Bakou, dans le khanat de Chirwan, le retour de la paix et l’établissement d’un tribunal composé de Russes et de Persans, n’avaient pu encore, il y a peu d’années, raviver le commerce de la mer Caspienne. Plus d’un gouverneur passera encore dans ce pays, avant que vainqueurs et vaincus vivent en paix sur la même terre.

Il ne faut donc point se bercer de trompeuses illusions. Il ne faut pas croire, surtout, que les empereurs en soient venus au point d’asservir les tribus des montagnes au joug qu’ils ont progressivement étendu jusqu’au littoral de la mer Caspienne. En Géorgie, et généralement dans les plaines, il règne, depuis 1820, une espèce de calme. Mais les guerriers libres des montagnes, les Lesghis, les Tchetchentses, les Abazes, les Tcherkesses, ne sont sujets russes que de nom, quelques-uns ont même pleinement conservé leur sauvage indépendance.

Les Lesghis, surtout, ont la réputation d’être les plus habiles armuriers et les plus intrépides soldats du Caucase ; ils comptent 138,000 familles ; les plus puissans après eux sont les Tcherkesses, dont le casque et la cotte de maille rappellent assez nos chevaliers du moyen âge. Tous ces peuples ont d’ailleurs entre eux un caractère commun : la haine des étrangers, une passion effrénée pour le brigandage, et une misère pareille qui les pousse sur les terres de leurs voisins. Aucun lien religieux ne les unit aux Russes ; quelques Tcherkesses sont mahométans ; la plupart, à demi-païens, n’ont