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PÉROU.

et les manœuvres frauduleuses auxquelles eut recours le général colombien, afin d’aggraver le malheureux état du pays, et de le jeter dans l’alternative pénible de se mettre sous la protection d’étrangers qui cherchaient à obtenir, en paix comme en guerre, le commandement suprême sur un peuple opprimé par leurs satellites. Mais la grande victoire que les Colombiens nous aidèrent à gagner à Ayacucho, ayant effacé de notre esprit nos justes motifs de ressentiment, le gouvernement péruvien passera de telles machinations sous silence, et ne parlera dans ce manifeste que des insultes et des outrages sans nombre prodigués à la nation, depuis l’époque où le général Bolivar, bien que le pays fût entièrement évacué par les Espagnols, ne voulut pas lui permettre d’être gouvernée par d’autres lois que celles qu’il dictait, et la plaça dans un état d’abjection et de nullité, où elle n’était jamais tombée, même au moment de ses revers.

La victoire d’Ayacucho ayant mis fin à sa monstrueuse dictature, le général Bolivar convoqua de nouveau le congrès qui lui avait conféré cette autorité. Ici il est nécessaire de remarquer que cette assemblée n’avait pas le moindre pouvoir, 1o parce qu’en présentant la constitution, elle avait rempli le seul objet de sa mission ; et 2o parce que la plupart de ses membres avaient été choisis, tandis que les Espagnols étaient maîtres de la majeure partie du territoire. Le général Bolivar se démit alors du pouvoir dictatorial, assuré d’avance qu’il y serait maintenu. Les scènes les plus honteuses eurent lieu à cette occasion, et le dictateur cacha hypocritement son absolutisme sous le titre doux et affectueux de libérateur. Il déguisa ainsi l’odieuse et exécrable dictature, tolérée et supportée seulement au milieu des dangers d’une situation désespérée.

Investi une fois d’un pouvoir sans bornes, le général Bolivar s’appliqua entièrement à sacrifier à ses intérêts personnels la liberté et l’existence du Pérou. Il convoqua un congrès,