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Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 2.djvu/373

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MÉMOIRES DE L’EMPEREUR DJIHÂN-GUIR.

plus avant, et non loin du tombeau de l’empereur Baber, nous rencontrâmes un autre homme conduisant devant lui un âne chargé de bois, et portant lui-même un fagot d’épines sur son dos. Je lui adressai la même question qu’au précédent. Mon nom, répliqua-t-il à ma grande satisfaction, est Dewlet-Khodja (la fortune). J’exprimai à mes compagnons de voyage le bonheur que j’éprouverais si le troisième qui s’offrirait à mes yeux se nommait Saadet (félicité). Quelle ne fut pas ma surprise quand, arrivé à droite sur le bord d’un ruisseau, un petit garçon qui faisait paître une vache, me répondit précisément : Saadet. Ma suite poussa un cri d’étonnement et de joie. Non moins reconnaissant que satisfait, j’arrêtai que, conformément à ces pronostics favorables, les affaires de mon gouvernement seraient dès ce jour classées sous trois titres appelés Imânussélazè (les trois signes.) »

Jusqu’ici Djihân-Guir peut se flatter, à cela près de la révolte de son fils, qui eut lieu vers la mort d’Akber, d’avoir enchaîné la fortune. Mais son cœur était condamné à l’atteinte la plus vive par la nouvelle révolte, en 1606, de cet ingrat Khosrew, dont il avait oublié la première faute, et qu’il avait espéré voir revenir à de meilleurs sentimens. Lorsque la fuite du rebelle fut connue de son malheureux père, l’Émir-Ul-Oumèra, envoyé à sa poursuite, demanda les ordres de l’empereur, dans le cas où ce jeune insensé en appellerait au sort des armes. L’empereur lui fit cette réponse mémorable : Dans ce qui est de la puissance souveraine, il n’y a ni enfant ni allié. Il est facile de concevoir combien dut lui coûter une semblable résolution.

Après une longue poursuite, un engagement eut lieu près de Lahour, entre les rebelles et les troupes impériales, qui furent victorieuses malgré la disproportion de leurs forces. Ici encore notre royal auteur prétend avoir eu la certitude de ses succès contre l’attente même de ses ministres. « Je prends Dieu à témoin, dit-il, qu’à Gondwaul, pendant cette