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MÉMOIRES DE L’EMPEREUR DJIHÂN-GUIR.

aîné traînait depuis quinze ans sa triste existence dans la solitude d’une prison. Il ajouta qu’il était au dessus de l’homme d’être toujours exempt de reproches, mais qu’en toute circonstance la clémence était le plus bel attribut des rois, et il finit par me prier humblement d’accorder à son frère un entier pardon, de briser ses chaînes, et de lui rendre ma faveur royale. Touché de ses supplications, je lui demandai s’il était prêt à répondre de la conduite future du coupable, lui faisant entendre que, dans ce cas seulement, je pourrais lui accorder sa liberté. Pèrviz s’engagea à l’instant même par écrit, et je donnai mon consentement à la mise en liberté de Khosrew. »

La première entrevue du prince et de son père eut lieu publiquement.

Quand il parut à la salle d’audience, à quelques pas du trône, il fondit en larmes, et se prosterna plusieurs fois à terre. Arrivé près de moi, il se jeta à mes pieds, sans essayer de se relever pendant plus d’une heure, quoique je l’eusse invité à plusieurs reprises, à changer de posture. « Oserais-je, s’écriait-il, en sanglottant, lever les yeux sur le visage de mon père ? Comment puis-je demander l’oubli d’une offense semblable à celle dont je me suis rendu coupable ? » Cependant après avoir versé un torrent de larmes, il se leva enfin, et m’exprima en vers touchans sa profonde misère, implora ma clémence pour le passé, et mon indulgence pour l’avenir. Après ces témoignages de repentir, il s’inclina de nouveau, et se tenant les mains croisées sur sa poitrine, il me répéta qu’il ne pourrait jamais expier la honte de sa conduite, quoique nuit et jour, il ne cessât d’exhaler ses regrets. »

Une insurrection des Indous, qui éclata près de Keinoudj, obligea le roi à détacher Abdullah-Khan, avec une force imposante pour les réduire et punir leur désobéissance. Vingt mille rebelles restèrent sur le champ de bataille. Leur forteresse fut prise d’assaut ; plus de dix mille hommes qui s’y