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VALACHIE.

nœuds de fil de laiton, qu’il portait à sa ceinture, et qui lui servait à mettre l’ordre au milieu de sa bande indisciplinée. Mon homme l’avait rencontré devant une maison du village où il venait mendier ou voler selon l’occurrence. D’assez mauvaise humeur, comme on l’est quand on a tort, je ne fus pas fâché de cette capture, et je me promis de faire payer à ses épaules ma mauvaise aventure. Je le fis entrer, et bientôt une bastonnade légèrement appliquée lui témoigna mes charitables intentions, qu’il n’avait que trop pressenties. Mon but, en le retenant, n’avait pas été de satisfaire une mesquine vengeance, mais d’imposer à ses compatriotes, en le retenant pour otage, et en mettant sa délivrance au prix de leur prompt départ. Malheureusement j’avais compté sans mon hôte, et surtout sans les hurlemens qu’il se mit à pousser dès le premier coup, au lieu de l’héroïque patience que les Valaques déploient dans de pareilles exécutions. En un instant, l’infernale tribu se trouva rassemblée sous mes fenêtres, comme une troupe de djinns (génies). Il n’y manquait rien, ni bipèdes ni quadrupèdes, ni surtout les noires sorcières, avec leur fronde vivante qu’elles balançaient dans leurs mains, se pressant autour de mes frêles palissades, que je craignais de voir s’écrouler ; elles me menaçaient de jeter leurs enfans sur le pavé de la cour, en me disant que je les paierais. Ces balistes d’un nouveau genre auraient effrayé la garnison la plus intrépide ; aussi, ne tardai-je pas à capituler ; c’était leur chef qu’elles demandaient, qu’elles voulaient à tout prix : car un roi d’Asie n’inspire pas plus de respect à ses peuples qu’un chef de Bohémiens à sa tribu ; ses paroles sont des lois, son regard est une faveur, son fouet lui tient lieu de sceptre ; il est à la fois pontife, législateur et maître. Les articles de la capitulation furent bientôt dressés ; je rendis à la tribu son fétiche vénéré, en me réservant seulement le redoutable fouet comme un trophée de ma victoire ; je scellai sa liberté du don de quelques poules, et la tribu se retira en me comblant de bénédictions.