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PIÈCES OFFICIELLES. — ÉTATS-UNIS.

n’a eu lieu pendant le recès du congrès dans la situation de notre agriculture, de notre commerce ou de nos manufactures. L’opération du tarif n’a été ni si nuisible aux deux premiers, ni si utile aux manufactures qu’on le pensait. L’importation des marchandises étrangères n’a pas sensiblement diminué, tandis que la concurrence intérieure, excitée par des spéculations illusoires, a accru la production bien au-delà des besoins de notre consommation. Les résultats en ont été l’abaissement des prix, des embarras temporaires et des pertes partielles. Mais il n’y a pas lieu de douter que ceux de nos établissemens manufacturiers qui reposent sur des capitaux, et qui sont conduits avec sagesse, ne survivent à cette crise et ne finissent même par en profiter[1].

» Régler cette conduite de manière à favoriser également la prospérité de ces trois intérêts cardinaux, est l’une des tâches les plus difficiles du gouvernement, et l’on peut regretter que les restrictions compliquées qui embarrassent les relations commerciales des nations, ne soient pas abolies d’un commun consentement, et qu’on ne permette pas au commerce de suivre les canaux vers lesquels les entreprises industrielles (toujours ses guides les plus sûrs), pourraient le diriger. Mais nous devons toujours compter sur une législation égoïste chez les autres nations, et nous sommes par conséquent forcés d’adapter nos règlemens aux leurs, de la manière la mieux calculée pour éviter des maux sérieux et mettre en harmonie les intérêts opposés de notre agriculture, de notre commerce et de nos manufactures. Sous ce rapport, j’appelle votre attention sur le tarif existant, dont, à mon avis, quelques dispositions doivent être modifiées. La règle générale à appliquer dans la graduation des droits sur les articles de production étrangère, est celle qui place nos produits en concurrence légale avec ceux des autres nations. Les seuls articles en faveur desquels on puisse faire un pas au-delà de ce point, sont les denrées de première nécessité en temps de guerre. Lorsque nous réfléchissons sur la difficulté et la délicatesse de cette opération, nous trouvons qu’il est important de ne faire de tentatives qu’avec les plus grandes précautions. Une législation variable sur une branche quelconque de l’industrie ayant une influence directe sur la valeur de cette industrie, et poussant ses capitaux dans de nouveaux canaux, produit toujours des spéculations hasardeuses, et par conséquent des pertes. En délibérant sur ces intéressans sujets, les préjugés locaux doivent disparaître dans une détermination patriotique de favoriser l’intérêt général. Toute tentative pour les rattacher aux conflits des partis existans deviendrait nécessairement injurieuse et serait déconcertée ; notre action sur eux serait contrôlée par des motifs plus élevés et plus purs. Une législation soumise à de telles influences ne peut jamais être juste, et n’obtiendrait pas long-temps la sanction d’un peuple dont l’actif patriotisme n’est ni limité par des frontières arbitraires, ni insensible à cet es-

  1. On sait que l’établissement du nouveau tarif a été provoqué par un petit nombre d’états manufacturiers. Nous pensons que la dernière administration a commis une faute en cédant aux exigences d’une si faible partie de la population qui depuis long-temps réclame du congrès l’exclusion des marchandises étrangères, afin d’obtenir le monopole des marchés américains, c’est-à-dire afin de faire payer à toutes les autres classes de la société un impôt énorme qui ne profite qu’à quelques particuliers qui s’enrichissent en vendant à leurs concitoyens des objets souvent mal fabriqués, et toujours beaucoup plus chers que ceux que l’on pourrait tirer des autres pays commercans.

    Il nous semble qu’il est peu sage au gouvernement des États-Unis de vouloir forcer le produit des manufactures nationales par des prohibitions, des droits et des monopoles, avant qu’il n’y ait effectivement une augmentation de consommation réelle résultant de l’accroissement de la population le long des côtes et dans l’intérieur, avant que le prix du travail ne soit plus également établi, et avant surtout qu’il n’y ait un système plus régulier de commerce et d’agriculture. Nous dirons plus : il serait peut-être beaucoup plus avantageux pour les États-Unis, pendant long-temps encore, de se contenter de produire des matières brutes, et de laisser l’Europe continuer à être l’atelier où les objets doivent être manufacturés ; car l’expérience a toujours prouvé que les nations qui donnent à leurs manufactures la plus grande extension, ne le font jamais sans introduire parmi leur population, les vices, les maladies, les dérèglemens de toute espèce dans les basses classes du peuple. En preuve de cette assertion, nous pourrions citer l’Angleterre.