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DU COMMERCE DE LA MER NOIRE.

Après ces conditions et ces mesures préliminaires suivies d’une foule d’autres du même genre, Peyssonel considère la possibilité de former un établissement commercial européen dans la Crimée, comme étant le point des côtes de la mer Noire où se trouvait la barbarie la moins profonde. Il faut avouer qu’on ne pourrait prendre aujourd’hui de plus grandes précautions, s’il s’agissait de l’établissement d’un comptoir à Tombuctou. Peyssonel trace aussi la peinture suivante de la navigation de cette mer : « Ce n’est pas sans raison, dit-il, que jusqu’à présent les dangers de la mer Noire ont empêché les marchands d’en faire le but de leurs expéditions ; elle est très-orageuse, et le nombre des ports étant extrêmement borné, ils n’offrent aucune sûreté, aucune garantie au commerçant qui se voit obligé de prendre sur lui tous les risques. Le plus grand danger, toutefois, est le défaut d’expérience joint à l’inhabilité des marins, et la manière peu adroite de conserver les cargaisons. Les capitaines dénués de cartes et d’instrumens en bon état, n’ont pas la plus légère idée de la manœuvre nécessaire pour gouverner un navire avec un vent contraire. » Il dit plus loin, en continuant ses observations : « On a tenté, à différentes époques, d’inutiles efforts pour faire consentir la Porte à la liberté de la navigation et du commerce de la mer Noire. Le dernier marquis de Villeneuve obtint un firman pour envoyer deux tartanes dans le Bosphore ; mais il s’opéra un changement de ministère avant qu’il eût eu le temps de profiter de cette permission, laquelle lui fut retirée par le successeur même du grand visir qui la lui avait accordée. »

Je ne m’arrêterai pas ici à l’examen des circonstances politiques sous l’influence desquelles existent les Tartares, les Abazes et les autres races qui peuplent les côtes de la mer Noire. Tous suivent le Koran, qui, après avoir menacé jadis d’étendre son empire sur l’Europe tout entière, a enfin réduit à la barbarie une grande partie de l’Asie et de l’Afri-