Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 1.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
380
ARCHIVES HISTORIQUES.

mains. On vit même des prisonniers, à Seringapatnam, vendre le surplus des alimens qu’on leur donnait, pour subvenir aux besoins de leurs officiers. Je me souviens qu’au moment d’une action qui s’annonçait comme sanglante, un vieux Cipaye, qui jadis avait servi dans mon régiment, m’adressait quelques questions sur ses anciens camarades, lorsque la canonnade se fit entendre. Le soldat me dit en souriant : « Ils ouvrent déjà le bal ! patience, nous allons les faire danser. » Quelques minutes après, on s’attaqua corps à corps, et l’ennemi fut défait. Le lendemain, je demandai partout des nouvelles de mon vieil ami : hélas ! il était parmi les morts.

Trois semaines après cette affaire, je visitais avec le général en chef nos ambulances où se trouvaient entassés 4 à 500 blessés. Les Cipayes auxquels le chirurgien avait prodigué tous les secours de son art disaient à Son Excellence : « Général, le docteur a pris grand soin de nous ; bientôt ce sera notre tour ». En effet le docteur ne tarda pas à recevoir d’abondantes marques de leur gratitude.

La désertion et la mutinerie sont rares. Cependant, et c’est ici que votre inexpérience vous exposerait à de graves dangers, la négligence apportée à pourvoir à leurs besoins, le mépris de leurs préjugés religieux, ont quelquefois donné lieu à des actes de fanatisme et de cruauté. Alors, devenus fu-