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VOYAGE DANS LA MER DU SUD.

mes de leur île qui avaient été massacrés, furent apportés devant les feux de la manière suivante. Deux des naturels de Vilear formèrent avec des branches d’arbres une espèce de civière qu’ils placèrent sur leurs épaules. Les cadavres de leurs victimes furent étendus en travers sur cette civière, de façon que la tête pendait d’un côté et les jambes de l’autre. On les porta ainsi en triomphe jusqu’auprès des fours destinés à en rôtir les lambeaux. Là, on les plaça sur l’herbe dans la position d’un homme assis. Les sauvages se mirent à chanter et à danser autour d’eux avec les démonstrations de la joie la plus féroce. Ils traversèrent ensuite de plusieurs balles chacun de ces corps inanimés, se servant pour cela des fusils qui venaient de tomber entre leurs mains. Quand cette cérémonie fut terminée, les prêtres commencèrent à dépecer les cadavres sous nos yeux. Les morceaux furent mis au four pour être rôtis et préparés comme je l’ai dit plus haut, et servir de festin aux vainqueurs. Pendant ce temps, nous étions serrés de près de toutes parts, excepté du côté d’un fourré de mangliers qui bordait la rivière. Savage proposa à Martin Bushart de s’enfuir de ce côté et de tâcher d’atteindre le bord de l’eau pour gagner ensuite le navire à la nage. Je m’y opposai, en menaçant de tuer le premier qui abandonnerait le rocher. Cette menace produisit pour le moment son effet. Cependant la furie des sauvages paraissait un peu apaisée, et ils commençaient à écouter assez attentivement nos discours et nos offres de réconciliation. Je leur rappelai que le jour de la capture