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FRAGMENS LITTÉRAIRES.

cendre de ses branches légères pour arriver jusqu’à nous et envahir le monde…

Lorsque le soleil a disparu, j’aime encore les teintes demi-sombres de cet horizon du soir chargé de vapeurs. Et plus tard, chez moi, à ma fenêtre, bien haut, quand tout est solitude et repos, lorsque l’oiseau sommeille sur la branche des touffes de lilas, et qu’on n’entend qu’un bruissement vague de feuilles tremblotantes, son fugitif que l’oreille cherche en vain à saisir, j’aime alors à voir venir l’astre ossianique de la nuit qui compose de poétiques tableaux. Le voilà qui s’élève lentement derrière les cimes festonnées des grands arbres des Champs-Élysées : il marche silencieusement dans ce ciel bleu… J’aime ce lieu, il plaît à mes rêves, à mes souvenirs… Ces clartés, qui se glissent aux pieds des arbres, les ombres des arceaux de l’élégant pont d’Antin, ce vaste bassin de la Seine, dégagé ici de tout obstacle, et qui reflète du ciel cette ligne argentée qui brille dans l’eau… tout ce qui nous entoure fait penser… Cette mélancolique nature semble revêtue de la robe de fiancée, et attendre dans les heures silencieuses le moment qui doit lui donner la vie… Connaissez-vous ce tourment qui fait mieux vivre, ce bonheur qui fait mourir ?… Vous soupirez.

Venez près de moi, venez prendre part à ces scènes paisibles et amoureuses qui parlent si bien à l’ame sans émouvoir les sens ; jetez d’abord les yeux sur l’aiguille brillante du dôme de nos