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ALBUM.

l’œil ébloui plane sur la ville d’Alexandrie, brillante de soleil.

M. Mazzara a choisi l’angle de la terrasse qui couronne un bazar, et d’où la ville, ses abords, le ruban de fortifications qui la protége, la rade et les lieux remarquables du rivage, présentent l’ensemble le mieux appliqué. Reculant par la pensée dans la direction de son point de vue, il place le spectateur à un point imaginaire d’où ce vaste tableau est enrichi de l’intérieur du bazar même, et cette heureuse idée lui a procuré l’avantage d’offrir des détails de localités pittoresques, et dont au-delà de ce bazar l’œil ne pouvait saisir que l’ensemble. Il est à observer que dans ce tableau rien n’a été sacrifié à l’effet. L’art du peintre n’a pu qu’à l’aide d’un profond sentiment de vérité tirer parti de cette nature dévorée de lumière et sans végétation, de ces constructions amoncelées, qui ne se composent pas, comme on dit en peinture, et dont l’ensemble est entièrement privé de ce pittoresque convenu qui se présente comme première condition dans le choix d’un sujet. La conscience hardie avec laquelle ce tableau a été conçu, et le talent apporté à son exécution, en ont fait une preuve, à la fois nouvelle et incontestable, de l’importance du vrai trop peu considéré en peinture, et que tant de préjugés remplacent. Ce tableau est frappant d’effet et ne l’est par aucun des moyens convenus. On ne comprend pas comment cette vue d’Alexandrie a été peinte.

L’homme du monde n’y voit pas un tableau, mais une magique image, et pour lui l’effet qu’il éprouve tient autant au mérite de la peinture qu’aux dispositions du lieu dans lequel elle lui est offerte. On n’avait des localités orientales que l’idée confuse qu’une description rapide peut en avoir laissée dans l’imagination ; on n’avait des traits de cette grande physionomie qu’un aperçu incertain ; et cependant ici on reste convaincu qu’il est impossible que ce portrait ne soit pas ressemblant.