Le rare bonheur avec lequel l’auteur a rendu la nature décèle le pinceau d’un grand maître, et révèle le talent de M. Isabey. On a peine à concevoir un espace entre la chose et l’œuvre, ce qui laisse l’opinion indécise entre le mérite des données qui ont pu amener à ce résultat et celui de les avoir ainsi comprises… Il faut être seul pour jouir davantage du charme répandu sur cette vue. Il semble que par un pouvoir surnaturel on est arrivé inopinément près de la ville, qu’on surprend ses forts, ses édifices, ses maisons, qu’invisible, comme avec l’anneau d’Angélique, on est là témoin de tout ce qui se fait.
L’historien peut y suivre les pas du temps : il retrouve les débris de la ville du grand conquérant et les vestiges des embellissemens dus à Ptolémée Philadelphe et à son fils Évergète. Les obélisques de l’épouse d’Antoine sont là pour rappeler le nom de Cléopâtre, et les restes des Lagides servent d’intermédiaire aux époques pour arriver à ces redoutes élevées par les soldats du nouvel Alexandre. Il regarde avec intérêt le fort de Cafarelli, et croit entendre une voix qui fit trembler le monde dire à ses soldats :
« Kléber ! marchez à l’ennemi, grands comme ces géans dont vous foulez la cendre. Je donne pour sépulture à mes soldats la terre d’Alexandre ou le tombeau de Pompée. Allez ! ceux de nous qui survivront coucheront dans le camp de César, près du palais des Pharaons. »
Le poète et le peintre peuvent y puiser des inspirations, au milieu des souvenirs de tous les âges, sous le ciel de l’Égypte, dans une atmosphère inconnue à nos climats et entourés d’objets diaphanes et brillans. La miraculeuse vérité de cette vue est telle que le jeune duc de Bordeaux croyait à la possibilité de descendre dans cette cour de bazar. M. Mazzara a dû toucher la toile pour prouver au prince que ce n’était qu’un effet de perspective.
Tout le monde voudra voir Alexandrie, et si M. Mazzara continue son voyage en Afrique, nous irons chercher les