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VOYAGES.

du trafic de la Sibérie. Le pain et la viande y sont à très-bon marché. Le Tom et l’Obi fournissent une si grande quantité de poisson, qu’on peut en approvisionner plusieurs autres places pendant l’hiver.

» La route qui conduit de Tomsk à Krasnoiarsk passe par un beau pays bien boisé et arrosé ; la forêt s’y compose principalement de mélèzes, de sapins, et de cèdres de Sibérie. Ces derniers sont les arbres les plus beaux et les plus majestueux qu’on puisse voir. Leurs noix, de la grosseur d’une petite fève, font un grand article de commerce, et ne manquent à aucun dessert véritablement russe. C’est une friandise que le bas peuple recherche avec avidité, et à laquelle on donne ordinairement le nom de noisettes des femmes galantes, parce que l’occupation favorite des désœuvrés est en effet de croquer ces noisettes. On sait que beaucoup de grands seigneurs russes apprennent plutôt à fond le français que leur langue maternelle, dont souvent ils ignorent les finesses. Un des premiers dignitaires de la cour de Saint-Pétersbourg fut envoyé, il y a quelque temps, chargé d’une mission importante pour la Sibérie. En passant par Tomsk, il y trouva les noisettes de cèdre d’un goût si exquis qu’il n’eut rien de plus pressé que d’en expédier une grande boîte à son épouse ; elles arrivèrent en effet à bonne adresse, au grand mécontentement de la dame, qui, dans son empressement de connaître le contenu de la boîte, l’ouvrit en présence d’une société nombreuse, que l’à-propos du cadeau fit rire aux éclats.