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LÉNORE.

— Tout à coup la lune brillante rompt brusquement ce nuage fantastique. Les chants ne se font plus entendre, le cercueil s’évanouit, et le convoi qui précédait la fiancée disparaît dans la vapeur de l’horizon, comme la vision légère qui berce le sommeil du matin.

Le cavalier de ses longs éperons excite le coursier qui effleure la terre… — Hurrah ! la lune éclaire, dit-il, et les morts vont vite. Tu trembles, enfant, crains-tu les morts ? — Non, mon ami, mais laisse les morts dans leurs tombeaux.


— Vois-tu ce coteau, ma fiancée, sur son penchant les fées dansent en rond : « Esprits d’enfer, accourez, escortez la pompe de mes noces ; vous danserez encore quand nous serons sur le lit d’hyménée. » Et de sa houssine le cavalier rapide flagelle l’infatigable coursier. Les astres semblent fuir, et le vent est moins prompt dans sa course…

— Hurrah !… la lune éclaire, et les morts vont vite… Allons, mon noir coursier, redouble d’efforts, le sablier va finir ; je sens l’air qui fraîchit, mes membres se raidissent ; nous voilà près du terme du voyage : allons, la lune éclaire encore, et les morts vont vite !… Arrivons, le lit nuptial est là…

Ils arrivent en effet, mais une énorme grille se présente pour arrêter leur course précipitée.

L’étrange cavalier que rien ne surprend, d’un coup de houssine renverse cet obstacle, qui s’écroule avec fracas. Ils entrent, ils sont au milieu des tombeaux ! C’était là que la mort habitait !…