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INDES ORIENTALES.

sud-ouest. Le lendemain de mon arrivée, qui était un dimanche, je débarquai de grand matin. À peine eus-je abordé le rivage, que je fus entouré par plus de trois cents Indiens qui se disputaient pour me porter ; ils s’arrachaient de tous côtés mon léger bagage. Je fus obligé de tirer, pour leur faire peur, le sabre que M. le duc de Choiseul me donna pour aller faire la guerre en Grèce, en me disant : Faites honneur au département des Vosges. Les Indous alors se sauvèrent à toutes jambes ; je déposai mon sabre, ils revinrent et m’enlevèrent en triomphe sur leurs épaules jusque dans la ville, où j’entrai dans un palanquin, et fus porté au gouvernement. Jamais je n’ai vu des gens plus pusillanimes, plus passionnés pour les étrangers, et en même temps pour l’argent. La masse de la population est si pauvre, que pour un fanon (6 sous) vous feriez en plein soleil courir un homme à cinq lieues. Je remis à M. le duc de Mélay, gouverneur, ma commission ministérielle et ma lettre de recommandation de M. le comte Dupuis. M. le gouverneur pourvut à mes besoins, m’assigna un logement au collége, où je suis installé. Il y a soixante élèves, jeunes Pondichériens, doués tous d’une imagination orientale. On enseigne l’indostani, langue classique de l’Inde, le tamoux ou malabar, en usage ici, l’anglais, le portugais. Avec l’indostani et le portugais, on peut voyager depuis le cap Comorin jusqu’au Thibet. J’apprends l’indostani sous un savant maître nommé Ramadamassy.

Que de choses j’aurais à vous raconter d’un pays si nouveau, si curieux pour le voyageur qui arrive des villes d’Europe dans cet autre monde ! Ah ! si vous étiez ici pour peindre ce que je vois, quelles sources vives et fécondes jailliraient du rocher frappé par une main puissante !

Je ne me lasse pas d’observer ce peuple si singulier, si original par ses mœurs, ses usages immobiles, ses cérémonies, ses croyances. Matin et soir, au déclin des chaleurs (à présent c’est comme au mois d’août à Paris), je parcours les rues de Pondichéry, les fertiles campagnes qui environnent cette ville,