Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
276
CORRESPONDANCE ET VARIÉTÉS.

plus agitée que Bordeaux. Vu de la mer, Pondichéry (Poudid-chéry, ville nouvelle) n’offre que l’aspect imposant d’une grande ligne de maisons d’une blancheur éclatante, aux deux extrémités de laquelle se prolongent à perte de vue des forêts de palmiers et de cocotiers. Mais, descendu sur le rivage, la scène change comme par enchantement pour le navigateur. De belles rues spacieuses, bordées de trottoirs tirés au cordeau, s’offrent aux yeux du voyageur. Des avenues ombragées de tamariniers conduisent à de vastes places bien plus grandes que la place d’armes à Strasbourg, où je me promenai tant de fois à l’ombrage de ses arbres. L’hôtel du gouvernement domine au loin la ville blanche par ses belles colonnades. Les maisons sont toutes élégantes ; il y en a qui seraient à Paris hors de tout parallèle. On dirait qu’elles sont couvertes de marbre ; elles sont revêtues de stuc, qui les rend éblouissantes. Pondichéry rappelle Nanci en Lorraine, ou plutôt je crois revoir Malte avec ses maisons en plate-formes où les dames se promènent le soir.

De longs boulevarts plantés de palmiers séparent la ville blanche de la ville noire. On passe des ponts, et on arrive dans la dernière. Alors on est dans une ville d’Orient toute pittoresque. On entre dans de grandes rues à frais ombrages, où circule la foule nombreuse des Indous. À mesure qu’on approche des bazars, la population se presse. Çà et là sont des pagodes où chantent des brames, où dansent des bayadères. On aperçoit des fakirs, des pandarous, qui, au nom de Mahomet et de Chives, se torturent le corps devant la foule.

Le 2 février, j’assistai à une procession annuelle, qui part de l’Aldée Oulgarey, à sept heures du soir, et se rend à travers Pondichéry, à l’église des jésuites. Jamais coup-d’œil semblable ; c’était une scène des Mille et une Nuits. La population des Aldées environnantes était accourue à cette fête nocturne. Les adorateurs de Wichnou, de Siven et de Mahomet se mêlaient parmi les chrétiens, bordaient les haies et les avenues. Ce peuple aime tant les cérémonies qu’il se plaît