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ÎLE DE JAVA.

rouler, par longues files, les pièces de vin et d’eau-de-vie que la France lui fournit en abondance. Le Javanais livre à l’encan les chevaux vigoureux qu’il s’est procurés à Byma, en échange des toiles tissues par ses femmes, et des armes qu’il a façonnées ; le Persan, sous les plis soyeux de ses cachemires, dérobe à l’œil vigilant des douaniers cet opium si recherché des Malais, et qui leur est souvent si fatal. Enfin, cette multiplicité prodigieuse de négocians de toutes les nations, cette réunion d’hommes qui diffèrent entre eux par le teint, le costume, les mœurs, le langage, la religion et les intérêts commerciaux, présentent, à l’œil charmé d’un observateur un spectacle digne des réflexions les plus philosophiques.

Mais bientôt un retour affligeant vient détruire l’illusion d’un premier aspect. En voyant les ravages affreux que l’insalubrité du climat exerce sur ces mêmes hommes venus d’aussi loin pour s’enrichir, on gémit sur la fatalité qui a placé les dons brillans de la fortune sous une enveloppe empoisonnée.

Batavia est bâtie très-régulièrement, ses rues sont bien percées et séparées dans le milieu en deux portions par un canal, à l’instar des grandes villes de la Hollande. Ces canaux sont sans doute d’une grande utilité, mais la différence énorme des deux climats aurait dû détourner les habitans de Batavia de les percer. Il est bien prouvé que les eaux, n’ayant pas un écoulement suffisant, reçoivent, pendant des jours entiers, les rayons