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LA VENDÉE APRÈS LE 29 JUILLET.

de pensions assez considérables que le gouvernement continue à leur payer[1] ; rien de plus facile que de les prendre en flagrant délit ; le gouvernement alors cessera avec justice de payer ces pensions, et pourra les répartir en portions égales sur les soldats vendéens et républicains, entre lesquels les haines s’éteindraient alors immanquablement de trimestre en trimestre.

De cette manière, il n’y aura plus dans l’avenir de Vendée possible, puisqu’à la moindre émeute le gouvernement n’aura qu’à étendre les bras, et déposer ses troupes sur les grandes routes pour isoler les rassemblemens.

Et que l’on ne croie pas que ces hommes, éclairés un instant du reflet de l’empire, en soient arrivés à ne plus se lever pour le fanatisme et la superstition, car on se tromperait étrangement. Ceux mêmes que la conscription de Bonaparte a tirés de leurs foyers et promenés par le monde, ont perdu graduellement, depuis qu’ils sont rentrés dans leurs chaumières, leur instruction instantanée pour reprendre leur ignorance primitive. J’en citerai un exemple.

Je chassais avec un brave militaire qui avait servi douze ans sous Napoléon. Sur le versant d’une colline près de la Jarrie[2], se dressait à douze pieds de hauteur une pierre ayant la forme d’un cône renversé, touchant par le haut à la montagne, et posant par sa base étroite comme un fond de chapeau sur un large rocher : quoiqu’elle pût peser quinze à vingt milliers, son équilibre était tel qu’une main d’homme pouvait visiblement la remuer. Je crus y reconnaître un monument druidique ; mais ne m’en rapportant pas à cette fausse instruction des gens du monde qui va souvent échouer contre la bonhomie grossière des paysans, j’appelai le mien et lui demandai ce que c’était que cette pierre, et qui l’avait appor-

  1. Tout cela est censé écrit au mois d’août 1830. On prie le lecteur de ne pas l’oublier.
  2. Jolie propriété appartenant à M. Villenave, à qui nous devons la meilleure traduction d’Ovide.