comte en lui rendant la vue par un mouvement brusque qui fit tomber, autour du cou de l’inconnu, le bandeau qu’il avait sur les yeux, ne t’avise pas de regarder autre chose que la misérable sur laquelle tu vas exercer ta science, ou sinon je te jette dans la rivière qui coule sous ces fenêtres, après t’avoir mis au chef un diamant de cent livres !
Et il tira légèrement sur la poitrine de son auditeur stupéfait la cravate qui avait servi de bandeau.
— Examine d’abord si ce n’est qu’une fausse couche, et, dans ce cas, ta vie me répondrait de la sienne… Mais si l’enfant est vivant, tu me l’apporteras !
Après cette allocution, le comte saisit par le milieu du corps le pauvre rebouteur, l’enleva comme une plume de la place où il était, et le posa devant la comtesse. Puis, il alla se placer au fond de l’embrasure de la croisée, où il demeura immobile comme Bertrand. Seulement, jouant du tambour avec ses doigts sur le vitrage, ses yeux se portèrent alternativement sur son serviteur, sur le lit, sur l’océan, mais plus fréquemment peut-être sur le lit et l’océan ; et ses sinistres regards semblaient promettre à l’enfant attendu la mer pour berceau.
Le nom de rebouteur appartenait, à cette époque, comme un titre d’honneur, à quelques-uns de ces hommes rares en France, qui, soit par sortilége, ou grâce à une longue pratique, reboutaient, c’est-à-dire remettaient les jambes et les bras cassés, guérissaient bêtes et gens de certaines maladies, et s’accommodaient merveilleusement aux volontés des dames et des seigneurs qui ne les payaient toujours. Le pauvre rebouteur, que le comte et Bertrand venaient d’arracher par une violence inouie au plus doux sommeil qui eût jamais clos paupière d’homme, pour l’attacher en croupe sur un cheval qui semblait avoir l’enfer à sa suite, était célèbre, principalement par son habileté, dans les accouchemens, avortemens et fausses couches.
Son caractère, naturellement malicieux et gai, s’était admirablement bien accommodé de la joie et des repas qui