jours, si vous ne le voyez pas… Puis-je compter sur votre parole de gentilhomme ?…
— Mais… reprit le comte.
— Eh bien ! monstre, tuez-nous donc… s’écria-t-elle en se jetant à genoux, et serrant son enfant dans ses bras…
— Levez-vous, madame, je vous engage ma foi de gentilhomme de ne rien entreprendre sur la vie de ce maudit embryon, pourvu qu’il demeure sur les rochers qui bordent la mer au-dessous du château ; mais, malheur à lui, si je le trouve jamais au-delà de ces limites…
La comtesse se mit à pleurer amèrement.
— Voyez-le donc !… dit-elle. C’est votre fils…
— Madame !…
À ce mot, la comtesse épouvantée emporta son enfant dont le cœur palpitait comme celui d’une fauvette surprise dans son nid par un pâtre.
Mais soit que l’innocence ait un charme auquel les hommes les plus endurcis ne sauraient se soustraire, soit que le comte se reprochât sa violence, ou craignît de plonger dans le désespoir une créature nécessaire à ses plaisirs et à ses desseins, sa voix était redevenue aussi douce qu’elle pouvait l’être, au moment où sa femme revint pâle et presque mourante.
— Jeanne, ma mignonne, lui dit-il, donnez-moi la main, et ne soyez pas rancunière !… On ne sait comment se comporter avec vous. Je vous apporte de nouveaux honneurs, de nouvelles richesses, et tête-dieu ! vous me recevez comme un maheustre dans un parti de manans. Mon gouvernement va m’obliger à de longues absences jusqu’à ce que je l’aie échangé pour celui de Normandie ; ainsi, ma mignonne, au moins faites-moi bon visage pendant mon séjour ici…
La comtesse comprit le sens de ces paroles ; leur feinte douceur ne pouvait plus la tromper.
— Je connais mes devoirs !… répondit-elle avec un accent de mélancolie, que son mari prit d’abord pour de la tendresse.
Il y avait trop de pureté, trop de grandeur chez cette ti-