ment ravissans. J’en pourrais, pour ma part, retracer plusieurs dont j’ai été témoin dans ma courte expérience de ces régions, et qui, je crois, n’étaient indignes de remarque pour personne ; mais je me bornerai à rappeler un de ceux qui m’ont le plus vivement frappé, et il suffira peut-être pour faire comprendre ma pensée.
C’était en passant la montagne des Pyrénées qu’on nomme le Tourmalet, et qu’on est obligé de franchir pour pénétrer de la vallée de Grip dans la vallée de Barrège. Partis le matin de Bagnères de Bigorre, nous avions mis la moitié du jour à parcourir les agréables sinuosités de la vallée de Campan et de celle de Grip, qui en est la continuation, par un temps fort sombre dont la tristesse se répandait sur tous ces sites, ordinairement si rians et si gais. La lumière du jour était voilée par une voûte nébuleuse qui s’appuyait sur les flancs des deux chaînes de montagnes entre lesquelles nous marchions, et nous en dérobait toute la partie supérieure. C’était sentir des géans sans jouir de leur présence. Cet état du ciel, très-fréquent dans ces régions, présente plusieurs caractères particuliers qui ne se rencontrent point ailleurs ; il est remarquable que cette stagnation de l’atmosphère se prolonge souvent pendant cinq ou six jours, sans qu’on aperçoive la moindre altération dans la nuance grisâtre et unie qu’elle conserve uniformément ; et il est difficile d’expliquer quelle main retient ce voile suspendu à une hauteur déterminée sans qu’il dépasse certaine limite marquée sur la pente des monts.
Arrivés au bout de la vallée où l’Adour, à peine sorti de son berceau, se précipite en cascades à travers des rocs retentissans, nous nous trouvâmes en face du Tourmalet, et nous commençâmes à nous élever rapidement par un sentier rocailleux tracé sur son penchant. Cette ascension nous rapprocha de la voûte brumeuse qui nous dominait, et nous pûmes croire que nous allions la frapper de notre tête ; mais elle nous livra facilement passage, et les particules humides dont nous nous sentîmes peu à peu enveloppés et pressés de