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CORRESPONDANCE ET VARIÉTÉS.

tirent de la hutte. Le guerrier y resta seul livré à ses tristes réflexions, car malgré la fermeté, la résolution de son âme, elle avait été navrée par le coup qu’il venait de recevoir. Lorsque la blessure occasionnée par la perte de Tahtokah avait commencé à se cicatriser, il avait réuni toutes ses affections sur sa seconde épouse ; le nouveau coup qui venait de le frapper renouvelait à la fois tous ses chagrins, en lui rappelant les qualités et les vertus d’une compagne qu’il avait tant pleurée. On le vit bientôt s’abandonner à une mélancolie qui chaque jour prit un caractère plus sombre et plus austère. Deux ou trois chasses infructueuses finirent par lui persuader qu’il n’avait plus de bonheur à espérer sur la terre, et que le Grand-Esprit l’avait abandonné. Il assista cependant encore à une danse guerrière où l’accompagnèrent les terribles idées qui l’obsédaient. Comme les autres, il raconta ses exploits, et finit par déclarer que, pour expier ses offenses involontaires envers le Grand-Esprit, il avait résolu d’aller se livrer aux guerriers mandans. Vainement on chercha à le détourner de ce projet ; il partit le lendemain matin seul et à pied.

Il marcha pendant sept jours, et le matin du huitième, il arriva sur les bords du Missouri, en face du village des Mandans. Après avoir traversé le fleuve à la nage, il vit briller des lumières dans les huttes, et entendit les aboiemens des chiens, éveillés par son approche. Il parcourut le village à plusieurs reprises, et, surpris de ne voir aucun guerrier, dans son impatience, il pénétra dans la première hutte qu’il rencontra. Deux femmes qui la gardaient lui firent des questions qui restèrent sans réponse. Il couvrit sa figure avec un pan de sa robe, et s’assit dans un coin obscur de la hutte, pour attendre que la main d’un guerrier vînt lui donner la mort. Les femmes, voyant son silence obstiné, ne firent plus attention à lui, et continuèrent leur conversation, par laquelle il apprit bientôt que tous les hommes du village étaient partis pour la chasse au buffle, et dans peu devaient être de retour. C’était