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VOYAGES.

On était encore occupé avec les montagnes de glace quand nous revînmes au Croc. On peut à peine concevoir que ces énormes masses puissent fondre, mais les vagues les coupent au niveau de la mer, elles se divisent, et elles finissent par disparaître dans des latitudes plus méridionales, ou bien elles viennent se briser contre les rochers où les portent les courans.

Le séjour du Croc, pendant l’hiver, ne m’aurait nullement effrayé, et j’aurais assez aimé y être enfermé par les glaces, comme le fut l’amiral Saunders dans un port de l’ouest, qui prit son nom depuis cette époque. En faisant un toit sur le bâtiment, on pourrait s’y tenir très-chaudement, et mouillés dans la rivière, nous y aurions été parfaitement à l’abri. Avec des livres, des armes et des munitions, on pourrait y passer très-bien son temps. Le gibier abonde à cette époque, et pressé par la faim, rien ne l’intimide ; il se fait tuer à vos pieds. Un Anglais, qui passe tous les hivers au Croc à garder nos cabanes, envoie au printemps de nombreuses fourrures à Saint-Jean. La mer est prise jusqu’à Grois, et les caribous viennent à pied sec de cette île à la grande terre ; les loups marins aussi sont très-aisés à approcher, et pour avoir des gelinottes et des perdrix, cet Anglais n’a qu’à nettoyer une place sur la neige devant sa maison et y mettre de la graine, et aussitôt de tous les environs arrivent se faire tuer ces pauvres oiseaux.

On va en hiver, soit avec des raquettes aux pieds,